L’ITINERAIRE D’UN « JAN-FOUTRE » PLUTÔT SERIEUX…
Premier chapitre, première vie :
LA JEUNESSE A VALENCIENNES
(initié avec J. Leclercq)
Ayant bien peu connu mes grands-parents, mes parents sont le modèle de mon enfance. Mon père Robert et ma mère Jeanne avaient quelque ambition pour leurs enfants et la marche de leur petit commerce était tournée vers cette seule réponse.
Nous sommes trois enfants nés au 53, Avenue de Villars (sur la route de la maternité de … Monaco !) et nos parents disposaient d’un stand provisoire, puis d’un magasin acquis Place Saint-Jean en centre ville. Pas de voiture, nous étions très bien habitués à marcher. Toute mon enfance est marquée par les péniches et les trains à vapeur sous le pont Villars… lorsque nous traversions le premier pont vers la ville, l’Escaut, et surtout par les cheminées de locomotives bruyantes sur le pont suivant. Lorsque la fumée était blanche, je courais pour disparaître dedans. Noire, notre mère nous retenait par la main, le temps que le train passe…
Ces années-là, mon père, « chemisier-mercier », comme il disait de son tout petit magasin, devait toucher enfin des dommages de guerre puisqu’il avait tout perdu « deux fois » tous ses biens après les deux guerres, rappelait-il souvent. Nous grandissions Brigitte, ma sœur ainée d’un an et Françoise, ma sœur cadette d’un an, dans un foyer relativement paisible et chrétien. Nous attendions le moment d’être un peu plus riche et nous apprenions tous les cinq à faire des économies avec le quotidien qui n’était pas si pauvre que cela. Quand on ne connait rien d’autre, on se contente de ce qu’on a et l’on joue même avec un bouchon de liège ou un coquillage qui fait rêver… Une enfance humble, calme, paisible, sur un foyer un peu refermé sur lui-même à la mort de nos grands-parents.
Nous avions bien une tante côté paternel mais elle avait disparu avec un … prêtre, ce qui ne se faisait pas dans la famille où notre grand-oncle était archiprêtre à la Cathédrale de Soissons. Un oncle, Emilien, fonctionnaire des « indirects », comme ils disaient, que nous voyions à chaque fois qu’il se mettait à boire, dès qu’il se sentait malheureux avec sa Germaine à qui il avait fait quatre beaux enfants que nous ne voyions jamais alors qu’ils vivaient dans la même ville et le plus jeune Yves, dans le même collège que moi.
Notre mère ne nous le disais pas, elle avait souffert, elle-aussi, d’un père qui travaillait dans la bière valenciennoise (Val, à la tour Baré !) et rentrait parfois « chaud » après le travail au grand dam de sa femme Louise. Il était pourtant chauffeur de voiture à cheval de la brasserie, faisant les livraisons, et peut-être pas directement brasseur lui-même. L’autre grand-père, non connu, étant vannier de père en fils. Nous sommes des enfants de petits commerçants-artisans, et des enfants d’après-guerre …
A cause de la guerre, nos parents, résistants, n’étaient pas un jeune couple puisqu’ils s’étaient connu dix ans avant de se marier ! Néanmoins, ils aspiraient à la modernité en fonction de leurs moyens limités. Pas de voiture, pas de machine à laver et pas de … télé ! Le téléphone n’en parlons même pas. Pas même de vélo jusqu’à mes 14 ans, le seul cadeau de mon parrain René, mais quel cadeau qui changeait ma vie et faisait que mes parents m’autorisaient à sortir.
Mais alors la radio ! Oui, nous écoutions la radio sans cesse, à s’en accrocher les oreilles… pour suivre les feuilletons de Zappy Max.
Notre horizon avait changé avec un déménagement de l’avenue de Villars vers la Place Saint-Jean, dans le centre ville, entre rue de Paris et rue Saint-Jacques. Fini le jardin. Plus de pont à franchir, mais la proximité du centre avec son trou immense de la Place d’Armes que l’on avait creusé après les destructions de l’après-guerre … Bien avant le trou des Halles, nous avons connu celui de Valenciennes pendant plusieurs années de reconstruction. Le mieux c’était le marché flamboyant sur la place du Marché aux Herbes, deux fois par semaine, devant la grand’poste. Quel bonheur de découvrir la vie, l’explosion des producteurs de la campagne valenciennoise, vite concurrencés par ceux venus du Cambrésis et de l’Avesnois. Quel bonheur de s’arrêter en revenant de l’école écouter les bonimenteurs…
Le centre ville c’était aussi la proximité du Conservatoire, rue Ferrand, où nos parents nous voulaient musiciens ! Moi aussi. J’aimais la guitare et le piano. Le piano, pas question, pas de place à la maison. La guitare, j’en achetais une à la Braderie mais je découvrais que pour un gaucher, mettre les cordes à l’envers, ça ne donne rien. Oui, gaucher, même si des maîtresses m’avaient tapé sur les doigts pour que je change de main… A cette époque, je faisais bien des choses à l’envers. Avec le recul, je me dis que c’était un trait « nature » de caractère. Cela dure. Sauf que je suis ambidestre.
Aux Académies, je découvrais le maître Eugène Bozza. Cependant le professeur me confia un hautbois décourageant. Je passais des mois avec une anche à essayer de sortir des sons. Apprendre le solfège avec Madame Panel ou devenir enfant de chœur à l’Eglise Saint-Nicolas ? Panel et son piano sonnaient mal à mes oreilles non averties des croches et des clef de fa.
Alors, j’optais pour l’aube blanche dès l’âge de dix ans car je rêvais de partir à Lourdes comme on rêve du bout du monde. Déjà les voyages ? Le rêve de miracle, comme un début d’aventure. Ce fut fait. Me voilà enfant de choeur à Saint-Nicolas.
Mon premier vrai voyage : avec les enfants de chœur. J’étais le plus jeune d’entre eux. Tout le monde m’aimait. Et une nuit dans un train, bien sûr… Lourdes et Gavarnie qui me marquait pour toujours.
Nos parents m’ont laissé partir alors que … je faisais encore parfois pipi au lit ! Je n’en reviens toujours pas.
Ah, la beauté du site de Saint-Nicolas, les statues, les vieux tableaux, les grandes orgues, l’ambiance, le petit couloir secret … La musique aussi. Les chants. J’attendais tout l’année le « Minuit chrétien » de la nuit de Noël où la voix du ténor comme venant du ciel me donnait des frissons.
L’impression d’être sur scène aussi dans le choeur tous les dimanches. Et puis sourire de mes regards sur les langues tendues des gens venant à genoux recevoir la communion. Les sonnettes, j’adorais déclencher les têtes se baisser puis se relever avec ma belle quadruple sonnette. Et puis, je découvrais le goût du … vin de messe !
Et de chœur en chœur, je suis devenu un « Petit Chanteur de Valenciennes », avec Monsieur Pierre Moreau qui m’a appris à chanter. Je n’étais pas sûr de moi lorsque je commençais, ensuite non plus. Il me fallait une voisine qui chantait bien, alors je chantais comme elle en harmonie. Mais quand lorsque le père Moreau fermait, d’un grand geste de chef d’orchestre, la dernière note d’un morceau, une ambiance de bonheur me faisait battre le coeur. L’impression d’une oeuvre accomplie.
D’autres voyages ont suivi, comme petit chanteur. La découvertes des orchestres, des timbales et des cimbales … Le « Chant de la Mine » d’Eugène Bozza. C’est nous « les enfants de Valenciennes »… Puis chanter « Carmen » à l’Opéra de Lille avec tant d’applaudissements, à Bruxelles, et recommencer en nocturne au Parc de la Rhônelle devant les Valenciennois. Le sentiment excitant pour une première fois que je sortais … de nuit.
J’aimais le spectacle que je découvrais. Merci papa, merci maman.
Plus tard d’ailleurs, à 17 ans, ils me laisseront partir en Italie en … auto-stop, tout seul. Je ne faisais plus au lit depuis longtemps mais je me faisais draguer par quelques playboys descendant vers Rome au volant de belles voitures. On croit rêver. Mais c’est bien là que les aventures naissent… comme le jour où j’ai sauté en marche tellement j’étais coincé ! Des heures dans des camions à découvrir les régions, les routes et la nature. Et parfois passer son temps agréablement à aider des routiers à décharger leur cargaison pour dormir derrière ensuite derrière leur siège…
Faute de fréquenter nos cousins germains Caron, nous avions une famille amie, les Giraud. Les deux couples avaient décidés ensemble de choisir les écoles religieuses, Sainte-Marie pour les filles et Notre-Dame pour les garçons. Famille donc qui nous ressemblait avec des enfants presque des mêmes âges. Jean-louis et Philippe Giraud, furent mes premiers éphémères amis. En effet, alors que nous allions souvent, Chemin des Alliés, le long des voies de chemin de fer, jouer et partager un goûter dans la maison SNCF qui les abritaient, nous avons un jour appris brutalement par nos parents … leur départ pour la région parisienne. Première petite peine.
Parfois, le dimanche, jour de fermeture du magasin MOREL, devenu Chemiserie-Lingerie MOREL, avait t’on peint sur la façade relookée, après la messe et la volaille du dimanche, nous prenions en famille le même chemin longeant le vieil Escaut où je jetais à chaque fois une sorte de petit radeau soigneusement préparé depuis la veille avec carton et bouchons, et parfois une bouteille avec du carton des flotteurs en liège, portant un message secret… Voguent mes rêves vers d’autres rives. La maison des Giraud laissée sur notre gauche, nous sautions joyeusement les traverses du train sur la partie droite de la chaussée qui menait au … terrain de la Soie. Ce fut sans doute mon premier sport, le saut de traverses. Déjà j’aimais les aiguillages et sans mon père, j’aurais sans doute toujours essayé de changer les voies… Ah, changer le chemin de faire… !
Au « 3, place Saint-Jean » à Valenciennes, devenue rue Saint-Jacques après la construction de l’immeuble de la Quincaillerie Teilliez (devenue en 2000 une banque), la vie s’écoulait, pour le petit garçon que j’étais, sans histoire ou plutôt avec beaucoup d’histoires de gosses. Nous étions une famille de trois enfants comme cela était monnaie courante dans la France des années soixante. Nous avions la carte « famille nombreuse » et nous en entendions parler à la caisse à chaque fois que maman faisait des achats.
J’étais « le garçon » et j’ai en résonance de ces années-là les reproches incessants de mes deux sœurs liguées contre moi et le verdict de nos parents à chaque petite dispute. Quelques bagarres au jeu de dès, de cartes, au Monopoly. Néanmoins une enfance d’amour tranquille. Jamais d’ennui. Je commençais des collections (boites d’allumettes, bagues de cigares, timbres, pièces de monnaie ancienne). Et mes sœurs et moi aimions colorier des coquillages.
Parmi les enfants de chœur, je me suis fait de vrais amis, notamment parce qu’on se retrouvait tous les jeudis pour aller jouer au foot ! Parmi les sages, Jean-Louis Liétard, fils du prof de Wallon et futur Trésorier de la Ville, et le plus drôle, … Pierre Rémy, dont le père était garagiste avenue du Sénateur Girard et possédait un abonnement dans la tribune de fer du Stade Nungesser.Le plus inépuisable avec moi était Jacques Leclerc, pas enfant de choeur mais un collègien.
La page football à Valenciennes allait s’ouvrir. VA pour les connaisseurs, fait partie de toutes les vies de cette époque, et donc de le mienne. Je suis né de ma vie sportive là, à travers le père de Pierre. Rémy, comme le café ? Oui, c’est d’ailleurs la même famille. Comme le café Raverdy, mon copain du premier cycle. Chez nous, le café était belge. Nous prenions le tramway pour aller l’acheter en Belgique. Chaque enfant un paquet dans la poche, ma sœur aînée s’en souvient qui était toujours la seule à se faire choper… par la douane.
L’USVA, Union sportive Valenciennes-Anzin (plus tard VAFC !), caracolait en tête de la Division 1 nationale, excusez du peu ! et les gamins nourrissaient pour ce sport une passion, oh combien plus saine qu’aujourd’hui. Il est vrai que l’argent n’avait pas encore pourri le football. Madame Van der Meulen, notre grand-mère amie, bien plus âgée que le club de la ville, et dont les ancêtres et les fils étaient des peintres connus dans le Hainaut, et au-delà, passait tous les jours voir mes parents à la boutique. Le plus souvent boire un café dans l’arrière-boutique. Elle me taquinait en rigolant : Tu connais pas Waggi ? Vas-y Waggi, vaz-y Waggi ! Avant même de jouer dans une équipe de football, je connaissais le nom d’un attaquant de VA. Avais-je donc quelque chose de latent ou avait-elle une sorte de prémonition pour me parler comme à un futur petit footballeur.
J’avais 12 ans, un soir le père Rémy qui était d’une carrure imposante, a pris les deux garçons fluets que nous étions, Pierre et moi, de chaque côté de lui à l’intérieur de son imperméable. Le contrôleur ne fut pas dupe ou alors il n’avait pas baissé les yeux pour entrevoir les six jambes du père Rémy ! C’est comme cela que j’ai assisté à mon premier match. La lumière du match en nocturne, les cris, les buts et les clameurs sont entrés à jamais dans mes veines. Le virus qui est entré en moi vient de ce VA-SEDAN, record d’affluence du Stade Nungesser. J’y étais.
Au Collège N-D, dont le Supérieur impressionnant me reçut avec mes parents dans une salle immense et si bien meublée que je m’en souviens comme d’un Palais, j’ai connu toutes les classes de Mademoiselle Lenne, agréable deux fois, quel bonheur, Melle Eberlé, Melle Thieulleux, et une autre, Mme Dequillage que je craignais et que je réussis à éviter, je ne sais comment. Les femmes déjà, il y avait celles que j’aimais et les autres dont je m’éloignais … !
Le plaisir d’aller au Collège à ce moment-là était de traverser le jardin avec son plan d’eau. Souvent mon père me conduisait le matin jusqu’à la grand’porte. Ensuite, le reste du chemin m’appartenait et j’en jouissais chaque jour. J’avançais doucement pour apercevoir un poisson, un oiseau, une fleur… J’en avais pour la journée. Et jusqu’au soir où je longeais le jardin dans l’autre sens, les yeux équarquillés mais, il est vrai, parfois beaucoup plus vite pour retrouver la rue.
Chez les grands, le Supérieur avait changé. L’abbé Desfossez qui était « surgé » était devenu le Supérieur, un peu moins hautain et plus cool que le précédent mais toujours énigmatique donc dangereux. Avec Pierre Rémy, ce fut comme passer à une autre école. Raverdy, Dupas jouaient déjà à la balle. Robert Dehon, mon voisin de la rue de Paris, me chambrait. Les profs m’impressionnaient. Les toilettes m’inquiétaient. En sixième, je souffrais avec les Maths du père Laurent mais aussi avec le latin, qui me semblait une langue bien étrangère et que je n’aimais que dans les églises, avec les grandes orgues qui me transportaient. Je n’étais pas prêt au latin. Tout autant que pour l’anglais… A m’en rendre malade, j’en fis une scarlatine, ce qui m’obligea à bifurquer vers la filière moderne, « M », l’année suivante ! C’est là que j’ai commencé à aimer cette lettre, initiale de mon nom de famille, à double sens, et dont je ferai plus tard en Asie un surnom, … bien avant qu’un chanteur à la mode ne se l’approprie.
Et puis le temps du foot s’est développé avec un ami, de plus en plus proche de moi au fil des ans, Jacques Leclercq. Le foot c’était devenu tout le temps. A la récré, toutes les récrés. Au collège, ou PlaceVerte, ou au Stade de la soie.
Arrivé dans les classes secondaires, un joueur professionnel de VA, Guy Guillon, aillier gauche, spécialiste de la talonnade, est devenu notre prof de gym, en complément de Monsieur Fauquet. Il venait au Collège donner des cours de gym, sans doute pour augmenter ses revenus ….on croit rêver ! Ce fut très sympathique et nous savions que les séances de Guillon se terminaient toujours par une partie de foot et jouer devant lui redoublait nos efforts et notre plaisir.
Guillon doublait (driblait) en fait le prof permanent du Collège, Fauquet, qui était, lui, un gymnaste et m’a réellement appris à faire des pirouettes en salle et à courir. le demi-fond. Avec Jean-Luc, son fils, qui était dans notre classe, pas question de tricher sur le nombre de tours que nous faisions autour du Musée de la Ville. Le tour de la « Place verte ». C’est aussi lui qui m’encourageait à faire effort pour le saut de corde en ciseau, à tel point qu’un jour voulant lever la jambe montant vers la corde en élastique mon propre genou a cogné ma bouche et cassé une de mes belles incisives, changeant mon look pour quelques années. En fait, gaucher contrarié (ils m’ont forcé à écrire de la main droite, oui, quelle souffrance !), il aurait sans doute suffit de m’apprendre à sauter avec une autre jambe d’appui. Hourrah, je suis ambidextre pour tout et ambipédextre au football.
Notre quête du ballon rond se prolongeait parfois durant mes loisirs ou mes vacances dans la famille Caron, du côté de notre mère, dans le Pas-de-Calais. Fruges, Blangy-sur-Ternoise, Azincourt, Tramecourt, Bucamps, Ruisseauville le village de mon parrain, je connaissais toutes les rues de terre, les chemins, les pâtures et les rares estaminets possédant un « baby-foot » ! J’y ai découvert le café-geniève, le « gin » chti, que l’on ne refusait pas aux enfants lors des frimas de l’hiver : Allez, min garchon, rékauf-teu !
Nous faisions avec mes cousins d’interminables parties de « baby » , d’autant plus que c’était gratuit pour nous et que les petits paysans voulaient battre les gens des villes. Je voulais toujours jouer les « rouges », agrémentés sur le maillot du chevron blanc qui était l’emblème de l’USVA. Avec les bleus, je perdais. Respirant le grand air de mes vacances, j’aimais l’odeur du foin et de la bouse de vache et je me sentais bien avec mes cousins.
Je n’étais pas passé expert dans l’art de manipuler ces bonhommes de bois qui s’animaient sur une barre métallique en se passant la petite balle blanche qui rappelait celle du ping-pong, pratiqué dans la salle paroissiale de Saint-Nicolas les lendemains de kermesse, mais en plus lourd, ma passion pour le football a pris là son sens de « relation humaine » basée sur l’attention, le partage et le plaisir. On ne connait vraiment son copain qu’après avoir partagé une partie de baby.
Le foot est devenu quotidien du fait de la multiplication de courtes séquences au Collège, dans les cours de récréation. Se déroulaient, en simultané, de nombreux matches, compte tenu des différentes classes en récré à la même heure. Sur le même terrain, la cour, au moins trois matches se disputaient en même temps. Il y avait trois goals de chaque côté. Et pas de but. Des sacoches, des impers et des pierres bleues, la pierre du Hainaut, les poteaux du préau de l’autre côté. Les Secondes, entre eux, ainsi que les Premières et les Terminales ! On se frottait pas mal et les plus jeunes tombaient…
L’une des cours du Collège était pavée de briques rouges et bordée d’arbres d’un seul côté. Les Troisièmes s’y imposaient par la force. L’autre était tapissée de grands carrés de ciment et surélevée de deux mètres par rapport au jardin. Comment faisions-nous pour nous y reconnaître, sans parler de ceux qui ne jouaient pas au foot, et qui forcément encombraient l’espace s’ils quittaient le préau, mystère et boule de gomme ! Sans doute la taille puisque nous grandissions selon la classe des âges … Jacques et moi, nous étions de la même taille mais plutôt petits. Dejonghe, Harpignies (mon voisin de la re Saint-Jacques) et Ballet-Baz à peine plus grands. Nous passions partout balle au pied, contournions les arbres mais surtout nous apprenions là à « passer » la balle. Le jeu collectif crée le plaisir de l’action commune conduisant au succès : « Oui, Yé but » !
Le visiteur qui s’aventurait dans la cour de récré, en en franchissant les marches, prenait des risques certains de se prendre « dans la gueule » une des ces balles en caoutchouc que l’économat vendait avec un succès permanent. Encore aujourd’hui je me souviens de certains buts marqués ! et je suis sûr qu’il en est de même pour Jacques.
Le football « réel » c’était de fait l’U.S.V.A. lorqu’il nous était donné d’aller au stade Nungesser regarder évoluer une des meilleures équipes de France des années 59 à 62 avec des joueurs talentueux comme Joseph Bonnel, Jean Claude Piumi, et le buteur Serge Masnaghetti.
Grâce à mon copain André Haustrate, un grand, mon voisin dans la salle d’études qui me torturais parfois gentiment les bras et les jambes, je rencontrais parfois Piumi et Provelli, la paire d’arrière-centraux, au café-tabac de la rue du Quesnoy. Je les regardais comme des dieux ? André, en Terminales, avait déjà une 2CV. Il m’a alors appris à conduire, under-age et clandestinement, sur la petite route de Sebourg qui n’était qu’un chemin de terre, avec des parties de vieux pavés, séparé des fortins de la dernière guerre par des fossés qu’il fallait éviter. C’est là que j’ai appris à sortir des lignes tout en évitant les fossés.
J’ai perdu André et aussi Bruno Grauls, mon ami enfant de chœur, dans les années suivantes. La mort me paraissait inconnue et je ne comprenais pas comment on pouvait perdre ses copains comme cela, si jeunes. C’est dans ces épreuves que j’ai complété mon sens du collectif avec une pensée solitaire (adolescence aidant) et que j’ai conservé par la suite mais avec cette volonté de croire que, moi, non je ne mourrai jamais ! Je me faisais immortel… pour de longues années ! Cette foi en soi acquise dans le sport et l’envie d’ailleurs m’a construit avec un côté aventurier. Plutôt… aventu-rieur.
La ville de Valenciennes, située non loin de la frontière du Nord avec la Belgique, fut au début du XXème siècle, une commune riche de l’activité industrielle, née du charbon et de l’acier (Usinor) et s’enorgueillissait aussi d’un passé culturel dans le domaine de l’histoire et des arts avec Froissart, Watteau, Carpeaux et la dentelle de Valenciennes, elle-aussi installée rue Saint-Jacques. Forte de près de 50 000 habitants et de 300 000 avec sa conurbation, cette cité est l’exemple même d’un gâchis national dans la mesure où ses atouts ont été dilapidés par une incapacité bien française à gérer les forces en présence. Faut dire que l’on avait déjà raté la reconstruction du centre-ville quand on voit ce que … l’on a pas su refaire.
En 1989, à l’occasion de nouvelles élections municipales, avec l’arrivée d’un certain Jean-Louis Borloo, les choses commencèrent à aller mieux mais, entretemps, « la capitale du Hainaut » avait le triste privilège de compter parmi les plus grandes zones sinistrées de ce doux pays et sa population diminuait à vue d’œil. Même moi, j’étais prêt à partir, plus ou moins loin !
« Le collège » était, à cette époque, l’établissement qui abritait la progéniture mâle de la bonne bourgeoisie valenciennoise avec ses curés en soutane dévoués à la « cause ». La vie scolaire était réglée par des rites qui se partageaient entre l’enseignement dispensé dans les différentes classes de la « 11 ième» à la « Terminale ».
La chapelle était un vrai dénominateur commun, où bon gré mal gré, nous nous retrouvions tous à un moment ou un autre. La récré était cet autre lieu de communion collective mais de défoulement celui là ! Tous les vendredis, il nous était fortement conseillé de communier, à la messe cette fois, et pour ce faire, il fallait être à jeun et prendre ensuite son petit déjeuner au réfectoire dans un endroit qui ressemblait davantage à une cave qu’à un lieu convivial pour prendre un repas (j’y buvais avec difficulté du lait de Mendès-France). La chapelle était un lieu magique où nos jeunes esprits s’éveillaient au contemplatif à la vue des vitraux reproduisant des scènes animées par des personnages remarquables, souvent … de jeunes garçons allant jusqu’au martyr pour défendre leur foi.
Les chants entonnés par l’ensemble des collégiens, qui n’étaient pas tous dignes d’être choristes, achevaient de donner à l’ensemble un caractère martial de bon aloi, parachevé par la musique de l’harmonium que dirigeait de main de maître l’abbé Duplouy, mon prof de langue française et de littérature qui est celui qui a probablement « fait » ma langue, mon esprit, ma poésie et peut-être aussi la rigueur de ma pensée, ce dont je le remercie.
Lorsque je regarde mes bulletins annuels, selon certains professeurs, j’avais de la rigueur, selon d’autres pas assez. Oui, c’est bien moi.
Je contestais Duplouy, candidement, dans ma seconde année de Troisième lorsqu’il expliquait avec assurance ce que l’auteur avait voulu dire, derrière ses mots, en lui répliquant avec politesse et insolence : « Mais pourquoi voulez-vous lui faire dire à l’auteur autre chose que ce qu’il a écrit ? Il a écrit ce qu’il a écrit. Pourquoi lui faire dire ce qu’il aurait voulu dire … ?
Aujourd’hui, j’y pense encore à chacune de mes lectures. C’est sans doute de ces moments-là qu’il faut comprendre ma voie et ma voix et lire tous mes écrits à double ou triple sens. J’ai compris. Tous les mots sont choisis ! Les miens aussi désormais ne veulent pas dire ce que je dis. Je suis devenu un « joker » des mots. Et même le « joker » a triple sens…
A environ 500 mètres du Collège, se trouvait « Jeanne d’Arc », l’école des filles de la même bourgeoisie qui portaient uniforme bleu marine, béret avec écusson ! C’était un autre monde que nous ignorions complètement. Les bonnes sœurs et les curés veillaient très sérieusement à ce qu’aucune brebis ne s’égare ! (JL) Mais il n’y avait pas que des brebis au Collège. Je m’étonnais de voir des copains qui semblaient avoir des copines. Et cela m’étonnait.
Entre les deux établissements se trouvait la « Place verte » vaste terrain, devant le musée de la ville, où s’ébattaient les jeunes gens, en s’efforçant de suivre les directives gymniques de nos profs respectifs. Le kiosque a musique servait parfois de vestiaires. J’adorais lorsque nous changions de vêtements dans la pénombre de son sous-sol. Descendre les escaliers déclenchait mon sourire et je me disais : près de qui je vais me déshabiller ou qui éviter ? Ou qui j’ai envie de voir se déshabiller ? Sans regarder, on entrevoit dans la pénombre et cet instant m’a fait découvrir le plaisir des yeux, de jour comme de nuit, et sans doute développé mon regard, vers l’art, vers les corps, vers les ombres artistiques et vers les ombres des autres et la plastique que j’analyse en vieillissant. A cette époque, je ne savais rien de rien.
Le frère de Jacques Leclercq, à la différence de nous, était un insoumis qui allait subir à plusieurs reprises « la loi du milieu » collègien. Par exemple : à genoux en culotte courte, devant la sainte Vierge, les bras en croix sur un sol carrelé et froid. D’autres, avec un dictionnaire à bout de bras. Ou à genoux sur une règle. Une autre fois, dans une autre classe, il évitait un « exocet », souvent la brosse du tableau, envoyé par un prof disjoncté à travers la salle, Mr Parent, classe de maths, de niveau vraiment collège, qui nous apprenait le calcul mental mais aussi me fit pisser dans mes culottes courtes en m’interdisant d’aller aux toilettes. Ce qui déclencha l’unique visite de mes parents durant cette période. Ils ont du lui dire que j’étais faible de la vessie ! Quelle honte.
Il est probable que j’ai toujours bien bu mais à cette époque bien peu de bières ! Il est vrai que sur les tables du Nord, la grande bouteille de bière, consignée, fermée avec un bouchon de porcelaine basculant et sa rondelle de caoutchouc, était de rigueur à la maison. Le « Coq Hardi » nous offrait aussi des serviettes de table (il m’en reste une) à chaque commande d’un « casier » (tout s’achetait par casier et les bouteilles étaient consignées) qui remplissaient la cave à boire, à côté de celle des pommes de terre, séparées elles de la cave à charbon qui sentait bon le carbone. Il y avait toujours deux sortes de charbon pour nous chauffer. Le plus précieux était le « coke »
A ce temps temps-là, je préférais l’eau gazeuse de Saint-Amand. J’ai bien changé.
Nos profs pour la plupart étaient des caricatures d’enseignants, à la pédagogie incertaine dont on ne saura jamais quelle aurait été la résistance dans la relation enseignant / enseigné d’aujourd’hui. Quelles que soient les matières enseignées nous avions des « figures » qui, tout parti pris mis à part, correspondaient à des modèles de bandes dessinées : en anglais un prof, Monsieur Perrot, qui avait du mal à se faire respecter nous gratifiait d’une note chiffrée de ½ point lorsque nous avions fait un travail correct et bien sûr le zéro pointé était le résultat ordinaire de l’ensemble de la classe.
Comme nous le craignions mais voulions le chahuter, tous les coups hypocrites étaient bons et je me souviens de la petite boite émettant un bruit de vache bêlante, qu’on se passait de main en main dessous les tables, et qu’il n’a jamais trouvée à chacune de ses descentes brutales de son estrade. Un jour, devenu chef de classe, j’avais décidé qu’il méritait quand même un cadeau de fin d’année. J’ai acheté un bouquin « Knock », de Romain Rolland, croyant bien faire parce qu’il y avait un mot anglais. Il l’a mal pris – mais c’est vrai que j’avais choisi ce livre pour le titre ambigü – et il a balancé le livre à travers de la classe. Il habitait juste avant l’Eglise Saint-Michel et je détestais passer devant sa maison.
En maths, dans les classes supérieures, il y avait ce fameux Louvignies, un grand corps, les cheveux collés vers l’arrière, dans une blouse grise tachée de traces de craies colorées, venu de sa campagne au-delà de la ville du Quesnoy, dépourvu de tout sens pédagogique et qui ne savait même pas articuler de façon audible ! Il ne s’asseyait jamais et marchait à grands pas dans l’allée près des fenêtres, tout en enseignant, un élève au tableau, heureusement souvent les meilleurs, ce qui m’épargnait. Lorsqu’il tournait le dos pour aller vers le fond de la grande classe, nous perdions 50% de son discours. Pas étonnant que je n’arrivais pas souvent à 50% de notation de mes devoirs et encore plus des compos.
En physique, un petit gros sans doute complexé qui enseignait en s’adressant uniquement aux trois meilleurs élèves qu’il plaçait au premier rang, comme Duplouy d’ailleurs dont le premier devoir servait à classer les élèves, les bons près de lui, les mauvais au fond de la classe. Comment progresser ? J’étais souvent derrière et je ne voyais pas grand-chose. J’ai mis des années à faire la différence entre Maths –Physique – Chimie et Sciences naturelles, ces matières étrangères ! … Ce sont les expériences chimiques qui, seules m’intéressaient ainsi que la géométrie car je trouvais la solution sans faire de calcul, rien que par le regard. En matière de solution, pour mieux m’approcher des mélanges, je mis à construire un laboratoire dans le grenier de mes parents. Entre éprouvettes et produits achetés chez Lapchin, un autre copain du Collège, comment n’ai-je pas mis le feu à notre vieille maison de la Place Saint-Jean ? J’étais donc prudent.
En Histoire et Géo, un prof à la voix de stentor, Jacques Sockeel, respirait le plaisir d’enseigner mais il se prenait vraisemblablement pour Napoléon à qui il ressemblait vaguement ! Et je me demandais pourquoi il insistait sur l’action de Cambacérès. Sympathique pour tout le monde, il aimait bien que je sois attentif. J’aimais la matière et j’obtenais de bons résultats. Célibataire (homo peut-être, il avait ses préférences), joueur, sportif et collectif, je le retrouvai dans mes dernières années d’ado comme moniteur de camps cyclistes itinérants dans les Ardennes. Avec lui, au départ de Valenciennes, nous avons franchir les Ardennes comme un camp scout. Des moments merveilleux, à vélo, ou aux feux de bois, ou sous la tente … Avant de partir le lendemain. Verdun, Douaumont, en vélo … Il me souvient quand même que lui était en voiture ! Si quelqu’un m’a donné la vocation de prof, c’est sans doute lui. Et la matière est vite devenue un de mes rares points forts.
En instruction religieuse, et oui ! un curé un peu intégriste qui parlait d’une voix douce mais qui pouvait tout aussi bien gueuler comme un putois si quelque comportement lui déplaisait, il avait une petite tête ronde, l’abbé Carlier, qui le faisait ressembler à un enfant dont la distraction était de se déplacer à moto. Il surveillait aussi les « permanences » et son regard perçait tous les pupitres. La surveillance, style « fouet ». Ces grandes salles qui réunissaient plusieurs classes que nous appelions « Etude », qui contenaient peut-être 150 élèves, étaient le lieu où l’on se tenait entre deux cours, et où nous étions censés apprendre nos leçons ! C’était une vie dans la vie avec pour les plus hardis le moment de s’essayer à des comportements interdits et sanctionnés : manger du chewing-gum, fumer, lire une bande dessinée, bricoler un objet non en rapport avec les leçons à apprendre et bien sûr parler avec son voisin.
Du haut de sa chaire le curé de service, préposé à la surveillance, distribuait les avertissements pour les contrevenants à la bienséance ! Cet endroit était aussi un lieu redouté où le « supérieur », une fois par semaine, venait avec un grand livre rouge, annoncer à voix haute les résultats des compositions de la semaine. Instant de gloire pour les premiers avec leurs bonnes notes et de honte pour les derniers, exposés à l’opprobre de la « communauté ». Des œuvres d’art, à n’en pas douter, ont été élaborées pendant ces séances trans-générationnelles. En effet comme ces bureaux ont traversé le temps, des pères ont pu transmettre à leurs fils des inscriptions marquées au couteau dans la chair de bois des dits bureaux ! Certains se levaient pour offrir une case où l’on pouvait cacher ce qu’on voulait et aussi faire un vacarme en l’absence du prof…
Une autre particularité dont je me souviens était la mode des « sous cul ». L’économat, qui avait le sens du commerce, proposait à la vente des petits bourgeois un espèce de petit tapis de couleur, des verts et des rouges, que l’on pouvait disposer sous son céans. Comment en retrouver un aujourd’hui ? Cet objet n’était pas uniquement de décoration puisqu’il faut bien le reconnaître, le bois des bancs, lui aussi ayant subi l’outrage du temps, aurait pu tout aussi bien perforer les culottes courtes des collégiens lorsque quelque écharde intempestive aurait piqué les fesses d’un petit bourgeois. Chaque proprio de l’objet le roulait consciencieusement pour aller dans chaque classe où un enseignement était dispensé. Le sous-cul suivait chaque élève durant sa journée. Chacun avait le sien. Ce fut même parfois une petite arme de défense, rarement lancé de peur de le perdre … On y tenait. J’ai aussi porté des « manchettes ».
« La classe, dit JL, me conduit à évoquer, non sans une certaine peur rétrospective, nos profs justement. Mis à part le fait que la durée de leur carrière, pour certains, leur a permis de voir défiler trois générations d’une même famille ! Ces figures dont l’autorité ne souffrait aucun dérapage, avaient, c’est bien le moins que l’on puisse dire, une pédagogie approximative ! Malheureusement les atteintes à la psychologie de l’enfant sont plus durables et chacun s’est accroché « des casseroles » avec les grossières erreurs d’un certain nombre d’entre eux. ; mon père me racontait, que pour lui, l’enjeu assigné était de l’obliger « à tous prix » de se servir de la main droite alors qu’il avait un penchant naturel à utiliser la gauche .Ces prêtres enseignants avaient chacun une personnalité qui reste en mémoire par quelques traits inoubliables l’un sortait des cours avec la soutane blanchie à la craie des pieds à la tête , le « Père Mathieu », un des plus âgés, grand et maigre, une tête de bille sur des épaules un peu courbées, dans sa haute soutane noire, arrosait toujours de postillons la première rangée des élèves. Un autre, latiniste et helléniste, était mon confesseur dans la chapelle. Un jour la confession programmée était dans sa chambre. Il me semble y avoir vu des dessins d’éphèbes sur les murs. Il me fallait bien que je m’accuse de défauts, si j’étais trop bon, il risquait peut-être de m’aimer.
Un autre encore était connu pour ses coups de colère rageurs, enfin je me souviens que l’un d’entre eux rivalisait au foot avec le joueur pro de VA en dépit de la gêne occasionnée par la longueur de sa soutane, l’abbé Jauer, un athlète. Une pensée particulière pour l’abbé Corduant, l’un des plus affables, qui avait, je crois, une conscience assez aiguisée de ce monde particulier ; il avait conseillé aux parents de Jacques Leclercq de retirer Michel de « l’établissement », compte tenu de la position intransigeante de certains profs, surtout laïques, à son égard. Mais bon, comme chaque chose contient son antidote, je dirai qu’en fin de compte nous avons reçu dans ce collège un guide des valeurs qui nous accompagne encore maintenant. Un autre souvenir émouvant ce sont toutes ces photos de classe, que nous avons tous connues, qui ponctuaient les millésimes qui défilaient avec leur cortège d’interrogations, des années après : qu’est il devenu celui là ? La récré, en dehors du foot institutionnel, comprenait des modes de jeux, dont le point de départ reste un mystère : cartes, osselets, billes, courses de petites voitures, inscriptions à la craie à même le sol (pas de tags que nenni) sans oublier le jeu des cows-boys et des indiens, et des gendarmes et des voleurs. » Un peu plus tard, le tarot. Certains trichaient et j’ai appris là à détester les cartes et tous les passe-temps.
Après ces quelques dizaines d’années qui nous séparent de cette époque je revois en mémoire ces garçons de mon âge qui ont partagé cette période de vie avec pour certains leurs noms :
Jacques Leclercq, bien sûr, entr’aperçu à Paris 20 plus tard, Pierre Remy, Richard Dejonghe, Jean-Luc Fauquet, Pascal Canonne, Claude Tréhou, Jean Régèle, Francis Lempereur, Jean-Claude Blary, Christophe Doutriaux, Alain Dubois, et aussi l’agréable Morgan, le taquin Nobécourt, le séduisant de Sagazan,le coquin Raout, le rude Obringer, et le séduisant Ballet-Baz, la joie de vivre incarnée et … attendu par ses copines,
Dans les noms qui me reviennent, Denoyelle, Hecquet, Vaur, Hourdeaux, Caron, Dominique Castella, le pauvre pensionnaire que j’aimais bien … et un plus jeune Didier Baudou avec qui je redescendais vers l’avenue Albert 1er., les Raverdy, les Gadré,… et aussi Dana, notre copain très handicapé qui devait ne vivre que 20 ans, savait-on.
D’autres : Collier, Marouzet, Turquin, Morelle, et …
Mais aussi Harpignies, mon voisin de la rue Saint-Jacques, Lapchin, le fils du droguiste, Hecquet, le fils du pharmacien, Sorlin, le fils du Café de la Place du Canada, retrouvé plus tard à Paris, Dupas, le fils des « Travailleurs », les Douay, voisins de la rue de Paris, à côté du magasin Vilain.
Et même Yves Caron, mon cousin, et pas … Joel Lesoin, que je retrouvais plus tard à Phnom Penh. Et tant d’autres que j’allais croiser dans l’association « Pro Vita » dirigée par le Père Mathieu, organisatrice de colonies de vacances à Mondrepuis où je fus un bon moniteur, avant d’y revenir comme … économe, sans doute moins bon car pour manger bien, j’ai probablement dû laisser une ardoise. Mais quelle belle expérience.
Même si … Jacques Leclercq, mon ami footballeur, allait m’abandonner en cours d’études, sans jamais me dire « au revoir », ce que je ne lui ai jamais pardonné ! Longtemps, j’attendis une carte postale qui n’est jamais venue. Famille partie à Paris, amitié finie … Je sais qu’il est resté fan de foot et de V.A.
Je retiens de mes années supérieures de ce Collège Notre-Dame, quand même un grand enseignement, celui de la Philosophie qui m’a beaucoup apporté en classe Terminale où je me suis senti vraiment un littéraire. Je lisais avec bonheur et me lançait dans la poésie et … la chanson.
Et puis je retiens Guillon, notre pro du football, intéressé par mes qualités de jamais fatigué au milieu de terrain, me poussait, à 17 ans, à rejoindre V.A., puis me décida à rejoindre l’Iris Sentinellois, un petit club de banlieue qui se relançait, avec un financement de la famille Cochez… Une aventure nouvelle allait commencer avec Jean-Pierre Ballet-Baz, Daniel Joly et un certain Hot. Une période passionnante à laquelle je mis fin pour créer … mon propre Club !
Sur l’enseignement religieux qui nous était dispensé, après bien des années, je dirai qu’il était de bon aloi mais que les préceptes que nous entendions, nous inciter certes à respecter notre prochain et à ne pas commettre « des péchés », mais il manquait certainement une dynamique tournée concrètement vers les autres. Voilà, je crois que ce qu’il manquait : c’est le « concret » nos enseignants, comme beaucoup d’autres encore aujourd’hui vivaient dans un monde que l’on qualifierait, selon un terme à la mode, de virtuel. Le résultat c’est que les générations successives qui sortaient du collège Notre Dame n’étaient pas « préparées » à affronter la vie civile.
Notre quotidien était nourri de bons sentiments et d’une éthique certaine mais un peu à l’image de ces pratiquants sortant de l’église le dimanche et s’empressant d’oublier illico la bonne parole dispensée, avec conviction, par le prêtre du haut de sa chaire ».
Oui, de bonnes bases, une formation stricte mais le Bac raté. A ma très grande surprise. 6/20 en Philo alors que je pensais avoir parfaitement traité le sujet que je connaissais, j’avais eu 12/20 en classe sur exactement la même question. Quelle déception. Lorsque je suis arrivé pour redoubler au Lycée Wallon, grâce à l’intervention de Monsieur Liétard, père de mon ami enfant de chœur et grand argentier de la Ville, j’ai compris que j’étais passé à côté de quelque chose dans le monde un peu à part du Collège, de l’école libre.
L’Ecole publique c’est quelque chose d’autre. Des profs assez caricaturaux aussi, mais une autre ambiance très différente et des classes bien plus mixées dans la population. Aussi, un sentiment d’être en train de préparer son avenir en se prenant un peu en mains, dans une certaine autonomie. Il est vrai que je devenais un peu adulte mais le Collège m’avait sans doute un peu freiné ?
Là, je côtoyais Philippe Duée, fils de prof également, qui allait devenir mon ami et un coéquipier footballeur exceptionnel. Et également futur Maire de Marly-les-Valenciennes. Gérard Delbove fut mon copain avec sa petite 4 CV à la sortie du Lycée. Mais en classe, il y avait un sentiment particulier permanent à mon égard. Plutôt sympathique. Les condisciples me semblaient étrangers. J’étais pour eux « le nouveau », inconnu aussi, et on me taquinait pas mal. Bonne ambiance. Comme j’étais réservé et pas souvent au premier rang, lorsque le prof faisait l’appel dans les premiers jours, il n’entendait pas et interrogeait « Absent ? » Alors, je répliquais « présent ». La fois suivante toute la classe s’écriait « Absent » à mon nom et couvrait ma voix ! Jusqu’à ce que je sois convoquais pour absences…
Des cours plus construits et plus clairs, dans la plupart des matières que je suivais attentivement d’autant plus que je venais de refuser un poste de pion au Lycée du Hainaut, avenue Villars, pour être certain de décrocher mon bac et satisfaire nos parents alors que mes sœurs, elles, rentraient aux PTT. Sauf pour le prof de Maths, folklo lui- aussi, prénommé Gaston, si distrait qu’il lui était arrivé de venir au Lycée en oubliant de déposer sa poubelle au pied de chez lui. Et peu à peu décontracté, c’est moi qui chantais chaque semaine en sortant de classe, à la sonnerie : « Gaston, y a le téléphon qui son » ! Nino Ferrer nous accompagnait au micro… Le prof, lui, me rappelait Perrot.
De mes années d’école, j’ai peu de photos de classe : nos parents avaient tant de mal à boucler leur budget que j’étais absent le jour des photos annoncées… pour éviter cette dépense supplémentaire imposée. C’est pour cette raison que je cherchais déjà à travailler pendant la période des vacances. A 17 ans, je dégotais mon premier job d’aide de cuisine dans une colonie de vacances de Boussac, dans les Vosges. Histoire de découvrir de nouvelles passions.
C’est aussi à cette époque que l’on commençait partout à m’appeler « Momo » ! J’eus mon bac cette fois avec brio, 16/20 en philo, juste dépassé dans l’épreuve de français par un de mes condisciples Olivier Marlière, qui allait devenir avocat puis quelques années plus tard Maire de Valenciennes. Pourquoi lui ? Pas moi ? C’est une autre histoire. J’aurais dû, sans doute.
A suivre … dans le chapitre suivant.