Poème (Pho aime, avec entrain)

Gare c’est l’Est

(écrit pour remercier un ami)

 Je suis comme un train – dans une gare – qui attend l’ordre de départ, qui n’arrive pas depuis vingt ans, vingt ans déjà … Quand Pho aime il a toujours vingt ans.

La gare vieillit, on la rénove. Le train rouille, que faire ? La voie est bloquée,  des orties-herbes-folles poussent de chaque côté des rails, ce qui permet à de jeunes âmes espiègles, et curieuses des choses de l’amour, de se cacher, tous les jours, au crépuscule, dans les mauvaises herbes odorantes, de dégager un seuil de sa noble mousse, assièger son rêve et son envie de monter, pour rentrer dans les couchettes d’un corps endormi et lui faire de petits graffitis gentillets, comme d’autres écrivent des poèmes au vitriol.

Leurs corps sombres, souples et graciles, souvent de petites tailles, font frémir le train sur ses rails et même, de temps à autre, des gémissements répétés dans la nuit donnent l’impression que le convoi … s’ébranle et que des choucc, choucc, choucc vont bientôt surgir, aux cris d’un sifflet annonçant le duel alité et la lente avancée du bonheur vers sa destinée inexorable.

Le vol suspend le temps de la rosée explosive. Un cri se ment. Il était un soir, du chacun pour soir dans la nuit brune. Dès que l’extase se sent saisie d’un trémolo, le vol se mâtine d’une aube impatiente. Corps mouillés, élevés dans les airs, retombent déjà dans la plénitude. Au sol. Battement. Pas le temps. mais bonne heur.

Soudain, plus vite, la nuit sombre reprend ses droits et la pesanteur s’alanguit de touches de silence, jusqu’au viol d’un rayon de soleil du petit matin, bien hardi, dis donc. Laissez passer la bougie. Laissé passé. Gare au jour qui point. Tremblent deux rails. Des TGV flambants neufs ne font que t’ignorer, dans un sens puis dans l’autre, dans un sens puis dans l’autre, sans un biais de regard de travailleur endormi. A peine tremblés ! Rien ne bougge.

Le rêve croissant de la nuit est parti, en un éclair, les frissons du bonheur avec lui. Il s’ex t’asie… Les boucles frisées frissonnent.

Immobile, la roue tourne. Il reste, au train où vont les choses, des images cachées, de traverses. De traverses. Amours de traverses. Seul, le son d’une porte hier…

Déclic. Ce jour d’huis est ouvert. Qu’un porte. Deux bouts. Mon soleil. Créateur d’énergie pour une pleine journée. La gare sonne hier.

Aux quais, elle sourit.

Les gares sont ce qu’elles sont. Les garçons aussi. Au réveil, ils vont bien. Cliquetis. Une fournée, à mie. Parfums croissants. Pain perdu. Qu’a fait des clefs. Discret assure aimant. Au travail ringard. Choucc, choucc, choucc et puis ! Et puis ?

Le soleil a toujours rendez-vous avec la lune. Deux mains. Passage de témoin, n’est-ce pas ? Demain …

*

Gin Toniqueue / 2000 : ma prose préférée

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