Travaillons bien mais chacun pour soi

Regards dessus, regard déçu …

Le cliché majeur ? La gouvernance à Phnom Penh ? La corruption ?

Non, it is not that !

Non… mais il arrive de distinguer dans la brume un surprenant « chacun pour soi pour tous ».

Lorsqu’on travaille dans un gouvernement, l’objectif est bien d’œuvrer pour tous, c’est-à-dire pour le bien commun. Pour l’intérêt public. Or, même avec la maturité de vingt années de travail gouvernemental (quelques ministres ont quand même changé de poste !), la difficulté majeure reste la coordination réelle du travail gouvernemental ou tout au moins l’efficacité de l’application d’une règle dans sa globalité.

Ce n’est pas faute d’avoir créé un Secrétariat Général du Gouvernement aujourd’hui bien en place, avec des structures juridiques rodées et un cadre législatif déjà bien renforcé. Et même pas faute d’avoir créé un observatoire interministériel économique, social et culturel, Conseil interne à la Présidence du Conseil des Ministres, dont une des fonctions est de permettre la concertation.

Il est presque naturel, pour le moins courant, que chaque ministre, un regard sur son pouvoir, veuille laisser sa trace dans l’Histoire, comme chez nous certains responsables rêvent d’avoir une loi qui porte … leur nom.

Au Cambodge, c’est plus compliqué. Et pas seulement au niveau de l’application des textes. A l’origine de certains projets réglementaires, il y a l’intervention des bailleurs de fonds (si importants : ils financent !) qui s’adressent forcément à l’un ou à l’autre des ministères (ou des Ministres) pour faire avancer une réforme qu’ils désirent soutenir (l’extérieur énerve ou excite  parfois !). Ceci complique forcément tout le processus déjà huilé « à la cambodgienne » !

Comment un donneur d’ordre peut-il faire travailler ensemble deux ou trois ministères sur un même projet ? Alors qu’il n’y a pas la moindre réforme qui ne concerne plusieurs ministères… Le Ministre qui n’est pas « financé » n’est pas enclin à réfléchir dans le même sens.

Ne pas associer large à la rédaction d’un projet de loi, c’est la meilleure manière de conduire l’application des décrets vers un  « chacun pour soi pour tous », une disposition qui serait comme à œillères … que les « riches » verraient d’un bon œil, alors que d’autres fermeraient les yeux… sur un texte qui n’est pas le leur.

Ce serait tellement plus efficace de travailler tous ensemble et chacun pour tous. Dans l’intérêt à la fois des efforts gouvernementaux et celui du Peuple.

GERMINAL cher riz

Germinal paddy !

Nos agriculteurs européens produisent du blé en cette période alors que la céréale-soeur tropicale est le riz. Le riz ressemble quelque peu au blé lorsqu’il est en « épi ». Cependant en Asie, la technique de plantation de cette céréale est bien différente au point de vue germination et de l’étape suivante.

La semence du riz est le « paddy », riz non décortiqué qui a conservé son enveloppe depuis la dernière récolte (souvent stocké dans des jarres). Le paddy est appelé germer dans une rizière soignée proche de la maison (comme un semis dans votre jardin !) et souvent clôturée de bambous ou aujourd’hui de filets, pour éloigner les animaux herbivores en liberté et les oiseaux. Animaux qui seront retenus sous les maisons (buffles et zébus) lorsque les parcelles seront peu à peu plantées.

L’ensemencement se fait à tout vent de manière dense dans cette rizière qui fait office de « pépinière », après les premières pluies de juin, dans une terre meuble non inondée considérée comme riche. Moment de bonheur et à la fois d’angoisse. Des engrais naturels et organiques (excréments) y enrichissent le potentiel parce que la première pousse conditionnera toute la qualité de la production trois mois plus tard. L’utilisation d’intrants chimiques n’est pas encore fréquente au Cambodge.

Le vert de ces parcelles est d’une fraîcheur de couleur dans le paysage d’aucune autre pareille !

Il s’agit ensuite de déplanter manuellement les jeunes pousses, trente jours après la le début de la germination. Les transplants sont gardés à racines nues et placés en motte en vue du repiquage. Chaque motte est alors … taillée (décapitée) et placée sur le sol dans le milieu humide dans l’attente d’une parcelle labourée et suffisamment gorgée d’eau pour être repiquée par petits groupe de deux ou trois racines tous les quinze centimètres.

Les diguettes entourant une parcelle repiquée sont alors entretenues pour bien conserver l’eau et permettre que les pluies fassent grandir la tige en même temps que la montée de l’eau durant le premier mois de pousse.

Si les pluies ne viennent pas, il serait profitable d’avoir un apport d’eau par irrigation. D’où ces « grands travaux forcés » imaginés par Pol Pot pour maîtriser l’eau et améliorer la sécurité d’une production devenue alors …complètement collective.

Il existe cependant dans certains pays (hauts plateaux du Vietnam ? Chine, Malaisie, Philippines ?) des semences pour un riz non irrigué !

Dans certains villages, il existe aujourd’hui un réservoir. Il est souvent utilisé pour l’élevage. Rarement pour y puiser l’eau, faute de pompe et de longs tuyaux ; rarement aussi un puits ne peut-être utilisé. En revanche, parfois sont utilisés des systèmes d’ustensiles ingénieux, balancés avec rythme et grâce, permettent à de rares endroits de porter de l’eau d’une parcelle à une autre ou mieux d’un petit canal d’irrigation à une parcelle.

Ensuite, il suffira d’attendre et de parfois sarcler ou biner pour maintenir la rizière parfaite et de surveiller par crainte de l’arrivée de crabes prédateurs ! et oui …

Mi-juin à mi-juillet, c’est le mois de Germinal. En ce moment, le climat change, faute de pluies régulières et abondantes, avec des rizières manquant d’eau, c’est plutôt, dans certaines provinces, …  le mois de Galère  !

JMDF

N.B. : Génial PADDY : en Irlande, ce mot péjoratif est plutôt une insulte, alors que c’est aussi pour moi celui d’une agréable boisson, non ? !

Saison du RIZ

Tous les paysans le savent la culture du riz c’est 120 jours ! Un travail de quatre mois qui s’opère durant la saison des pluies qui, elle, est de six mois !

Comment se fait-il donc que les Cambodgiens ne parviennent pas à produire deux récoltes sur cette même période, à cheval sur plusieurs rizières ? Plus facile à dire qu’à faire. Il faudra encore des années avant que cette pratique mieux développée dans les pays voisins puissent faire du Cambodge un vrai grenier à riz.

Fin mai de chaque année, alors que la température tropicale va baisser de dix degrés dès les premiers orages, le riziculteur prépare ses semences et choisit de prendre le risque d’aller ensemencer aux … premières pluies. En effet, les semences doivent être accueillies par une terre humide mais non saturée. Le risque de la première pluie est que la terre s’assèche trop vite avant l’arrivée de la seconde et que … les semences ne soient perdues (il faudrait alors en racheter avec du micro-crédit qui trouverait sa garantie sur … la récolte !).

Dans la vie de chaque fermier, il y a le hantise de la sécheresse, momentanée ou durable. Aussi, début juin, quotidiennement il guette la pluie. Il en faut mais pas trop sur cette parcelle choisie qui sert de base à la culture pendant que les autres parcelles sont labourées avec un soc traditionnel tiré par deux buffles qui se sont « entrainés » plusieurs jours durant sur la terre sèche, à tourner sous la baguette de leur maître… Le soc est désormais planté dans la terre meuble qui se retourne et s’écrase, terre à laquelle bien peu ajoutent encore de l’engrais non naturel (à acheter avec le micro-crédit !).

En juillet, les semences ont poussé (il faut 30 jours, pour 30 centimètres !). On les arrache et on les regroupe par bouquets en en taillant le sommet de façon égalisée. Le repiquage ensuite, bouquet dans une main, l’autre plongeant la racine dans la boue, va pouvoir commencer dès l’aube, le dos courbé, sur les rizières inondées où les pieds s’élargissent pour moins s’enfoncer.

Si l’ensemencement s’est effectué tardivement en juin, en août les familles seront encore dans les rizières les pieds dans la boue à repiquer tous les 15 centimètres… en long et en large. Au début chacun pour soi, puis peu à peu :  » Tu viens m’aider à repiquer et ensuite je vais t’aider  » !

En septembre, le riz est en épi, la saison des fêtes peut commencer. La mousson d’hiver arrive alors avec de nouveaux risques car il est fréquent qu’elle se déploie par des orages violents qui peuvent saccager les épis en les couchant (le vent précède l’orage et la pluie).

Comme la canicule affecte toujours les plus pauvres, les retards de saison touchent les agriculteurs de plein fouet. L’agriculteur qui regardent sa terre sèche en souriant ne trompe personne. Sa femme est déjà à la pagode a offrir des offrandes pour appeler les ancêtres au secours…

Sans ces risques, avec des soutiens ou des garanties financières (A quand la création d’une Chambre d’agriculture ?), il serait possible de faire deux récoltes. Aussi, il serait impérieux de remplacer les semences traditionnelles par de nouvelles plus appropriées. Pour cela, l’investissement de quelques centaines de dollars est un effort que les plus pauvres ne peuvent pas faire. Qui va les aider ?

Pendant ce temps, que font les ONG ?

Du micro-crédit … !

Mousson et Solar Impulse

Vert,

comme tous les gens qui pensent un peu à l’avenir avec raison, comment ne pas être sensible à la recherche dans le domaine de l’énergie solaire et également convaincu que les panneaux solaires représentent une sorte de « sécurité » pour les problèmes d’énergie fossile et de changement climatique. Sans doute au même titre que les éoliennes.

Nous, en extrême Asie, nous avons de 7 à 9 heures de soleil par jour. Un peu moins de vent parfois, encore que …

Justement, si vous avez suivi le sens des vents et le calendrier de la mousson de notre hémisphère Nord (article précédent), vous comprendrez pourquoi depuis plus d’un mois je suis surpris que le pionnier suisse Monsieur Piccard et son équipe d’experts, basée à Monaco, aient programmé de faire voler Le passionnant et splendide avion expérimental SOLAR IMPULSE en plein mois de juin de l’ouest vers l’Est !

A croire que les vent des marins ne sont pas deux des nuages ! Ou que les risques de mousson ont été pris de haut !?

Rien de vraiment étonnant dans les difficultés de vol rencontrées entre le Sud de l’Inde et le Japon. Le Tropique du cancer n’est pas du tout « une ligne » sur une mappemonde (!) mais une bande très large, fluctuante, où les vents d’un sens ou d’un autre ont forcément une influence Nord-Sud liée aux anticyclones qui chaque année prépare l’été des pays tempérés (le vôtre !) en aspirant la chaleur du Tropique du Cancer (la nôtre) !

Il n’en demeure pas moins que nous devons en ce moment soutenir André, le pilote sans sommeil depuis quatre jours, qui traverse l’Océan Pacifique vers Hawaï, maintenir notre attention, garder notre respiration et notre zénitude, pour que le plus grand exploit du siècle puisse se réaliser et atteindre son but, et ses buts …

mousson et moisson

Tiens, ça y est, on dirait que la saison des pluies commence enfin vraiment ! En principe en Indochine elle commence chaque année à la fin du mois de mai !

Moussons donc.

Les vents et les pluies caractéristiques d’une mousson commencent d’ordinaire chaque année en mai-juin dans la zone tropicale Nord. Cette mousson assez peu connue en fait en Europe occidentale de nos jours, a pourtant rythmé notre Histoire et la période dite des Grandes Découvertes. C’est un évènement météorologique très important en fait dans l’histoire de l’humanité. Les vents, ce sont des moteurs pour les marins, les pluies ce sont des richesses pour les agriculteurs.

Les marins autrefois ne quittaient les ports qu’en fonction du calendrier et en particulier du sens des vents. Les expéditions maritimes tenaient toujours compte de cette période où les vents soufflent dans un sens pendant quelques mois puis dans un autre à l’inverse. Au printemps – mousson d’été ? – les vents prennent le sens Ouest-Est. Il est temps de partir toutes voiles dehors, mais il est alors impossible de revenir !

En automne – mousson d’hiver, mal nommée car la mousson s’arrête le plus souvent à la mi-novembre ! –  Les vents soufflent dans le sens inverse. Nord-Est – Sud Ouest ! Il est alors possible de revenir vers l’Occident si l’on est parti quelques mois avant… Les grands navigateurs le savaient. En fait, un retard d’un mois, pour un grand « voilier à vent », c’était un retard d’un an (avant que les bateaux soient équipés d’un moteur !). Une expédition maritime et même terreste pouvait être parfois reportée à la mousson suivante… Quelques semaines de reard = un an de perdu avec la géographie, la climatologie et … les vents de moussons

La mousson se compose de deux parties où les zones de hautes pressions atmosphériques s’inversent du fait des rapports chaud-froid qui s’inversent entre l’Equateur et le Grand Nord. Que se passe t-il entre les deux ? – Le mois d’août ! Le mois du changement. Oui, les agences de voyages l’ignorent souvent il y a toujours un période paradisiaque au milieu de la période de mousson, entre fin juillet et début août ! Les vents se calment avant de s’inverser, les pluies aussi…

La première période de mousson de fin mai à fin juillet justifie notamment le pèlerinage à La Mecque en juin. Les bateaux du Sud-Ouest chargés de pèlerins rejoignaient l’Arabie (qui a d’ailleurs donné à notre langue le mot arabe de « mousson »). Les grandes expéditions quittaient alors les grands ports.

A l’inverse, les vents Est-Ouest fin août ramenaient les navigateurs chargés de produits. Et pas seulement des épices. Marco polo ? Non, il prenait surtout la route de la Soie ! C’est pour cela que se sont créées durant le mois de « septembre » de grandes fêtes occidentales et des foires, à Venise, à Lyon, à Anvers et même nos flamandes « braderies » de Lille et de Valenciennes dont les ancêtres étaient des foires avant tout textiles. Le retour de mousson a développé le commerce moderne bien plus que la terrestre route de la Soie, en Bourgogne et dans le « pays bas » de Flandre espagnole. Aujourd’hui nos « Pays bas » sont devenus les « Hauts de France ».

Et les pluies ? Elle sont violentes au début de la première mousson. Les trombes d’eau sont bénéfiques aux terres asséchées par six mois de chaleur sèche puis d’un mois de mai de tropicale canicule. Il pleut chaque nuit. C’est la période bénie des agriculteurs qui vont bientôt pouvoir semer particulièrement le riz en Asie du Sud-Est. Puis les orages se calment et les pluies sont plus douces jusqu’en fin juillet…

Comme les marins, les agriculteurs vivent alors avec un calendrier. C’est la saison du renouveau, du « planting » et de la joie du travail de la terre assouplie. Joie qui rejaillit sur la communauté et qui apportent des perspectives de succès pour les récoltes des mois suivants. Des perspectives de coupe-faim. Nous y sommes. Tout ça pour ça. La joie de la récolte après les moussons. Quel bonheur.

Moussons… nous. Positivons les moussons.

JMDF