Il est vrai qu’il y a beaucoup à faire au Royaume de Siam et que la Junte militaire au pouvoir a eu du flair d’arrêter certains délires d’hommes politiques ou de partis politiques passant leur temps à se déchirer loin des intérêts essentiels du pays !
L’un des besoins les plus criant est une réforme de l’Éducation (peut-on dire nationale ?) attendue depuis 20 ans. En effet, le développement économique du pays s’est fait sur la base de l’aide américaine il y 50 ans, de l’apport de fonds des touristes depuis trente ans et de l’investissement industriel et agricole diversifié depuis vingt ans … Et tous les observateurs étrangers (y compris la Banque Mondiale) n’ont eu de cesse de regretter un système d’éducation sympathique mais ne préparant pas du tout ni une classe populaire informée, ni des élites capables de réellement diriger les programmes des administrations.
Assis sur un tacite partage non avoué : aux « vrais » Thaïs et aux grandes familles l’administration du pays, aux Chinois de Bangkok l’armée et le business, … le Royaume s’est développé dans la satisfaction générale. Le Roi adulé étant toujours là pour arbitrer le fléau agité de la balance, pour que ça tourne.
Ainsi, les Riches sont devenus plus riches. Les commerçants aussi. Les Bourgeois ont accédé à des fonctions et des récompenses. Une classe moyenne est née et seuls les pauvres sont restés dans leurs coins, heureux de profiter des équipements et un peu de la croissance sans se soucier du reste.
A l’occasion des trois dernières élections générales durant une décennie, les inégalités sont apparues au grand jour. Les pauvres comme par hasard étaient devenus majoritaires à l’Assemblée. Les Bourgeois perdaient pied alors que Sa Majesté perdait la santé…
L’économie aujourd’hui avance à la vitesse d’un char militaire, par à-coups.
Les choses vont un peu mieux (moins de corruption ?) mais comment prépare-t-on l’avenir ? L’éducation nationale est inchangée. Le niveau des enseignants dans les provinces est insuffisant, les rémunérations également. Même à Bangkok, les maîtres continuent à enseigner à la thaïe, c’est-à-dire : sabai sabai … Tout va bien. Pas de sanction, pas de redoublement. Des examens pour satisfaire les parents conscients que leurs enfants sont tous bons.
A tel point que l’enseignement chrétien en profite pour s’affirmer le meilleur !
Dans l’enseignement supérieur, les étudiants sont certes de mieux en mieux sélectionnés à l’Université mais le niveau de langues étrangères en fin d’études secondaires reste médiocre, à part peut-être … le français (oui !) et le chinois (naturellement !).
Un étudiant thaï entrant à l’Université est persuadé qu’il parle couramment l’anglais alors qu’il ne l’a jamais pratiqué et qu’il a souvent été aidé pendant ses examens de passage. Seules deux universités d’État fournissent une élite admirable qui exprime un peu du « sens critique » si absent dans l’éducation scolaire thaïlandaise. A droite Chulalongkorn. A gauche Thamassat. Le reste est passé à l’enseignement privé supérieur, souvent de qualité et en devenir.
Les profs des universités thaïlandaises sont très respectés, par toute la société, mais reçoivent des salaires de misère… Comment expliquer cela ?
Alors, il reste un vrai fossé entre la volonté des dirigeants du pays de combler, en 20 ans, les disparités régionales, et autres inégalités face au « savoir », et la nouvelle génération qui arrive sur le marché de l’emploi. Celle-ci s’aperçoit que les étudiants de l’ASEAN formés à Singapour et au Vietnam sont meilleurs qu’eux ; sans compter les jeunes indiens et les jeunes coréens plus performants et surtout plus ouverts sur le monde. Et si demain les Malais et les Cambodgiens … ! … et les Chinois ?
Qui saura déclencher un Coup d’État éducatif pour que l’ensemble des écoles suivent les mêmes programmes ambitieux avec les mêmes contrôles exigeants, enfin mettre les écoliers au travail, en abandonnant cette maxime très locale : tout le monde est beau, tout le monde est gentil ?
L’enjeu est de taille !