La Corée du Sud propose depuis lundi 2/11/20 un service civil.
Jusqu’alors, tous les Sud-Coréens étaient astreints au service militaire obligatoire et les objecteurs de conscience étaient envoyés en prison.

Une alternative au service militaire faisait partie des promesses de campagne de l’actuel président Moon Jae-in.AFP
Fervent adepte des Témoins de Jéhovah, Jang Kyung-jin était prêt à se retrouver derrière les barreaux plutôt que de servir dans l’armée sud-coréenne. Après une décision de justice historique, c’est en tant qu’administrateur, et non comme détenu, qu’il prendra lundi la direction de la prison.
La Corée du Sud demeure techniquement toujours en guerre avec le Nord. Le service militaire obligatoire fournit ainsi le gros des troupes au Sud qui fait face à une armée nord-coréenne forte de 1,2 million de militaires.
Tout Sud-Coréen valide doit servir durant 18 mois avant l’âge de 30 ans, un passage obligé qui, bien que parfois mal ressenti, crée des liens indéfectibles avec les autres conscrits. Eviter de remplir ce devoir dans une société sud-coréenne conformiste peut avoir des répercussions professionnelles et entraîner une stigmatisation sociale durable.
Au cours des dernières décennies, des dizaines de milliers d’objecteurs de conscience, parmi lesquels de nombreux Témoins de Jéhovah, ont accepté d’en payer le prix fort: 18 mois de prison, voire plus.
L’idée de proposer aux objecteurs de conscience un service civil a fait l’objet d’une vive controverse. Mais l’actuel président Moon Jae-in qui, dans les années 70, avait fait son service militaire dans les forces spéciales, avait promis la création d’un service civil lors de sa campagne présidentielle de 2017.
L’année suivante, la Cour suprême a estimé que les objections morales et religieuses étaient des motifs valables pour refuser d’effectuer la conscription.
Ce programme offrant la possibilité d’effectuer un service civil entre en vigueur lundi. Ce jour-là, Monsieur Jang et 62 autres objecteurs de conscience se rendront à Daejeon, au sud de Séoul où, durant trois ans, ils seront administrateurs d’établissements pénitentiaires.
Ils recevront la même solde que les autres conscrits. Le ministère de la Justice a qualifié ce dispositif de «premier pas vers l’équilibre entre conscience et devoir militaire».
Outre les médaillés olympiques et les champions des Jeux asiatiques, ainsi que les lauréats de certains concours internationaux de musique classique, l’obligation d’effectuer la conscription s’applique à tout homme en bonne santé.
Cette contrainte plane actuellement aussi sur les sept membres du groupe BTS, rois de la K-pop internationale, qui rapporte des milliards de dollars à la douzième économie au monde.
Steve Yoo, un chanteur de K-pop très populaire dans les années 1990, a pris la nationalité américaine peu avant d’être appelé, perdant ainsi automatiquement sa nationalité coréenne. Cette décision avait suscité la colère de la population et il s’était rapidement vu interdire l’entrée sur le territoire coréen, une mesure toujours en vigueur.
À travers la planète, les Témoins de Jéhovah sont le plus souvent connus pour refuser les transfusions sanguines ou pour faire du porte-à-porte afin de recruter des disciples. En Corée du Sud, c’est leur refus de faire le service militaire ou de prêter allégeance envers la nation qui marque le plus les esprits. Depuis l’an 1950, 19 353 Témoins de Jéhovah ont été condamnés pour avoir refusé d’effectuer leur conscription, ce qui représente un total de plus de 36 000 années passées derrière les barreaux, selon l’église.
Parmi ces anciens détenus, Lee Bit-nam, membre de la congrégation de Monsieur Jang, emprisonné en 2015. Cependant, comme pour tous les autres objecteurs de conscience, son casier judiciaire a été effacé après une décision de justice.
JMDF avec Asia Connection et AFP