Siem Reap va mal.
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La saison des pluies a commencé depuis deux mois au Cambodge. Les rizières sont en eaux mais aussi les petits cours d’eau chariant des détritus amassés durant la saison chaude, sur les chemins, les mares, les flaques et parfois les rues inondées par une pluie trop violente pour s’évacuer seule par les égouts, bouchés ou inexistants.
La ville souvent heureuse en juillet. En cette année 2020 elle est fébrile. Les pluies tropicales violentes se succèdent confinant les familles pauvres dans des maisons de bois où les maladies hydriques peuvent aisément se répandre sur des enfants mal nutrits.
D’ordinaire, c’est la haute saison touristique et toute la famille est dehors entre les emplois des jeunes et les solutions précaires des petits vendeurs ou des motos-taxis. Parfois le moto fait les trois huit. Elle sert le matin au père et l’après-midi au fils cadet. Le soir, accrochée parfois à une remorque, c’est le fils ainé qui fera la nuit jusqu’après la fermeture des bars. La mère qui aura vendu ses légumes au marché dès l’aube, les pieds dans la gadoue, laissera sa fille sortir le poisson séché et l’assiette de riz au retour des travailleurs et se laissera tomber sur la natte, enroulée dans un morceau de tissu pour laisser le vieux moutiquaire pendu aux enfants.
Avec la crise sanitaire tout le monde a perdu son emploi dans la famille. Sauf au marché qui s’est un peu endormi. Il n’y a même plus d’école pour les petits agglutinés à la maison ou dans la mare avec les canards…
Autant de revenus perdus pour les familles khmères. A Siem Reap plus qu’ailleurs parce qu’ici le sourire était de mise il n’y a pas si longtemps puisque chacun participait à la vie d’une famille nombreuse et heureuse. Le futur est devenu plus qu’incertain. L’air est lourd (30°) et chargé d’eau…
La crise sanitaire du Covid 19 se transforme en une crise sociale qui conduit les familles pauvres vers une toute autre crise sanitaire, celle de la malaria et de la dingue, très répandues dans chaque village. Voire du Chiconghunya, puisque personne ne sait tester ici ce virus. Les conditions climatiques sont là. Les moustiques se multiplient. Les ordures et les sacs plastiques jonchent les chemins où les chiens errants ont apparemment aussi des parasites.
Le confinement groupé obligé, sur pilotis, en cette saison est source de maladies. Comment se soigner lorsque le petit dépasse les 39° de température dès le matin. Docteurs et cliniques coûtent autant qu’un salaire qu’ils n’ont plus. Comment acheter des médicaments ? – En se passant de nourriture ? Au Cambodge les aides sociales sont très faibles et rares. Les ONG ne sont plus là ou n’ont plus de moyens. Dans ce pays fermé, les expatriés pas du tout rassurés par la qualité des soins et de l’équipement sanitaire, se sentent un peu coincés, désemparés, et trépignent de pouvoir partir.
Les pauvres sont laissés à leur sort. Et le Cambodgien est « acceptant ». Lorsque la famille est déjà endettée, du fait de l’achat d’une moto à crédit, ou d’un smartphone par exemple, la situation devient critique. Vendre ses biens est le plus grand risque pour des gens peu éduqués ou peu réfléchis. Ensuite, c’est le répit le temps de régler les problèmes. On dépense, puis … plus rien !
Au Cambodge, la protection des plus démunis n’existe pas. Ils n’intéressent que la microfinance qui confisque les papiers de la maison !
Le seuil de pauvreté, lui, existe bien et c’est aujourd’hui plus de 50% des habitants de Siem Reap qui sont largement en dessous…
Mauvaise saison, mousson puis moisson. Mousson qui renforcera encore les inégalités jusqu’à novembre.
JMDF