La ville de Siem Reap souffre en silence

La ville de Siem Reap, Capitale touristique du Royaume du Cambodge, dont le tourisme dépend très fortement de la présence des sites archéologiques d’Angkor, a été violemment touchée par la crise sanitaire liée au COV19. Presque du jour au lendemain, la ville s’est vidée de ses touristes. Ces étrangers de toutes origines qui faisaient vivre la ville. Et la population Siemreapoise s’est immédiatement autoconfinée par peur du virus.

Depuis lors, la situation sanitaire du pays s’est stabilisée très positivement. On peut croire, voire affirmer, que le virus ne circule pas au Cambodge et que seuls des cas importés peuvent survenir. Il y en a eu et il y en aura si l’on ouvre les frontières ! La crise sanitaire a été très bien gérée par le gouvernement central. 126 cas de malades Covid 19 au total, presque tous réglés aujourd’hui ; et pas un mort !

Les habitants de Siem Reap se sont déconfinés progressivement, en un bon mois, sans contraintes, et ont repris le cours de leur vie, celle d’il y a … trente ans ! En effet, sans les touristes, la ville tranquille de Siem Reap a retrouvé sa quiètude ancienne et est redevenue un havre de nature et de paix comme dans les années 1990 ; mais elle redevient après avoir … perdu son poumon financier et c’est là que le drame commence.

Seulement mille huit cents touristes ont visité Siem Reap durant le mois de mai 2020, contre cent quarante mille en mai 2019. Plus de cent hôtels et guests-houses ont définitivement fermé leurs portes tandis que deux-cent-trente établissements ont suspendu leur activité sans date de reprise. Donc plusieurs palaces toujours fermés et inquiets de la suite … Restent les gardiens et parfois les jardiniers. Seule la saison des pluies fait sourire les piscines asséchées.

Plus de huit mille travailleurs du secteur du tourisme ont perdu officiellement leur emploi. En fait plusieurs dizaines de milliers d’hommes et de femmes, et même d’enfants, du fait de l’économie informelle qui battait des records autour des lieux touristiques d’Angkor, des sites archéologiques mais aussi dans les salons de massages, les transports en motos et tuk tuks et, bien sûr, la vie nocturne.

En se promenant dans les rues du centre touristique de Siem Reap, on découvre « Pub Street », l’attraction depuis vingt ans des amateurs de terrasses et de bières, tant pour les visiteurs étrangers d’ailleurs que pour les khmers de province curieux et fiers de cet endroit festif, à l’ambiance indescriptible mais essentiellement joyeuse, conviviale, internationale et tolérante. La rue est fermée et déserte, des rangées de restaurants aux grilles baissées et des bars désespérément vides. Les terrasses où il faisait bon s’arrêter du crépuscule jusqu’au petit matin, n’ont plus ni tables ni chaises, ni nuée de serveurs souriants ; arrêt des platines et des maxiparleurs, aucune animation et même des barrières policières y barrant l’accès de manière symbolique.

Près du vieux marché si couru, marqué par cette architecture coloniale séduisante et ses boutiques et restaurants colorés, la tristesse est palpable : les petits marchands de souvenirs ont fermé boutique et des écriteaux « À vendre ou à louer » ornent les façades. Les rideaux sont baissés. Les rares taxis prennent les sens interdits…

En revanche, le long de la rivière les jeunes gens, et les moins jeunes, de toutes les couleurs déambulent, parquent leur motos le long du trottoir, marchent ou courent pendant une heure ou deux, du matin au soir, à l’abri du soleil et de la chaleur. L’eau de la rivière stagne avec ses pollutions d’algues vertes, les arbres centenaires regardent le spectacle déconcertés. Les gens, tenues de sport, tournent à rythme lent. C’est un signe. C’est beau et à la fois presqu’indécent.

Le jogging est en plein boum comme la pratique du vélo dans la ville allégée de tant de voitures et de camions. Le silence a remplacé le concert des klaxons. Les rues sont vides. On oublie presqu’elles sont défoncées. Les nombreuses pagodes, elles, sont pleines de bonzes. Au moins eux auront à manger. Mais …

La ville touristique n’est plus que l’ombre d’elle-même mais ceux qui ne sont pas les victimes du coronavirus et de ses conséquences sortent et s’approprient les petits restaurants. Tous les grands restaurants et bars à touristes sont fermés – sans doute pour des années – alors que certains chômeurs cambodgiens créent de nouveaux services – comme la livraison de nourriture à domicile – et de nouveaux bars pour la jeunesse. La jeunesse dorée s’en sort bien. La jeunesse bronzée cherche de l’argent. Désespèrément.

Les coiffeurs se portent bien, les réparateurs de vélos et de motos aussi, les étudiants les plus malins créent des sites de vente online. Dans les quartiers périphèriques les femmes se mettent à vendre de l’eau et de la bière pour gagner trois sous. Les poules et les canards semblent plus visibles, les vaches et les buffles ont pris de la valeur. Faut les vendre… La vie normale. Mais les sacs plastiques jonchent les voies d’accès aux temples. Le policier démuni se cache derrière un arbre pour arrêter un moto et ponctionner la paie du jour. La nuit de mauvais garçons vont pêcher dans les douves … La vie normale mais …

Le week-end les Cambodgiens de tout province envahissent les temples alors que les résidents étrangers de Phnom Penh font également le déplacement par la route afin de profiter d’une visite tranquille des temples au pays où il fait si bon loin des hordes de Chinois et quand le vent soufle par rafales entre les arbres de la jungle. Même les ouistitis abandonnés sans nourriture sortent surpris et crient comme des cacatoès … Mais …

Oui, cette vie normale cache une explosion imminente de misère. Les victimes de la crise ont éclusées leurs économies en trois mois. Les employés fragiles sont appauvris. Les précaires ont tout perdu, y compris l’espoir de voir revenir un meilleur temps… Ils ne peuvent plus payer les remboursements aux banques de l’achat de leur moto ou de leur lopin de terre. Ceux qui avaient perdu 50% de salaire vont passer bientôt à zéro ! Les cyclos dorment le long des trottoirs et ça fait mal. Aux familles, aux femmes et aux enfants qui n’ont plus d’écoles… plus de maîtres, plus d’éducation.

Le gouvernement semble en avoir conscience. Que peut-il faire ?

Le retour à la terre ?

JMDF – avec Le petit Journal

4 réflexions sur “La ville de Siem Reap souffre en silence

  1. oui, c’est très douloureux tout ça… les « ravages » collatéraux!

    J’espère que tu vas bien

    Je pense pouvoir renter en france dans un mois… 5 mois de confinement!

    >

    J’aime

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