Il fut un temps au Royaume du Cambodge où tout semblait teinté d’un petit peu de culture française ou tout au moins de langue française. Les dirigeants, du Roi Norodom Sihanouk au terroriste Pol Pot, parlaient les belles lettres (sauf Montesquieu ?) même lorsqu’elles ne menaient pas à des rapprochements politiques avec la démocratie.
D’ailleurs, en cette période de Coupe du Monde de Football commentée sur les chaînes publiques cambodgiennes, il ne se passe pas cinq minutes sans entendre un mot de langue française laissé par les Français avant leur départ. Les noms de pays : Australie, Belgique, Colombie, Russie, Iran, Maroc, par exemple se prononcent en Khmer complètement à la française. Le Japon est un peu différent ! Mais on dit aussi « Suèd » et pas Sweden ! Et quotidiennement on entend « Anglais » pour England et « Allemand » pour Germany et « Croat » pour Croatia.
Parfois il est possible de percevoir dans les flots de paroles des commentateurs TV cambodgiens ces mots sympathiques à nos oreilles : gardien, passe, hors-jeu, coup-franc…
En plus, les Cambodgiens semblent reconnaître la Marseillaise.
Cependant dans la Ville de Phnom Penh, la « défrancisation » a commencé depuis belle lurette. Je connais des résidents de longue date qui accusent ouvertement certains anciens Ambassadeurs de France de n’avoir rien fait pour perpétuer les efforts de l’APRONUC (Untac) à préserver l’acquis francophone, depuis les années 1990 et 2000. Maintenir un niveau de langue française était faisable. Notamment dans l’administration et dans le Droit.
Avec peine, d’autres autorités ont soutenu le journal quotidien puis Hebdomadaire en langue française aujourd’hui disparu (Cambodge-Soir). Il est vrai saboté par quelques journalistes peu conscients des enjeux.
Seule performance : sauver l’utilisation de la langue de Molière dans deux lycées, deux universités et une École de Technologie. Quel sentiment d’abandon de comprendre et voir que tout s’effondre sans la moindre réaction officielle, à part celle de l’Institut français (qui a cependant dépensé plus d’argent qu’il ne fallait pour ouvrir … un inutile restaurant !).
La Sinisation, elle, est en route depuis quelques années déjà et connait depuis deux ans une croissance exponentielle. Le soleil levant s’est levé. Les entreprises chinoises ne sont pas les seules à débarquer au Royaume. Les travailleurs chinois de toutes conditions aussi bénéficient des largesses en matière de visas. Pendant que se développent les écoles chinoises et les cours d’apprentissage dans de petites échoppes. Celles-ci commencent d’ailleurs à oublier le coréen ou le japonais pour enseigner le chinois… Ne parlons plus des leçons de langue française. DISPARUES en mer de Chine.
Ce mouvement linguistique et culturel pourrait apparaître une simple adaptation à court terme. En fait, il est à long terme. Les Chinois ne jouent pas petit et ils n’investissent pas pour dévorer des opportunités tout crues. Au contraire, la minorité chinoise de tous les États de l’ASEAN le démontre depuis plusieurs décennies, les Chinois s’installent sur leurs bases, puis se fondent dans la masse et rapidement se multiplient, pour peu à peu maîtriser toutes les sources d’activités, de commerce et d’argent.
Dans un petit royaume où les gens sont promptes à s’arrêter de travailler (pour fumer, boire et dormir, surtout les hommes !), il y a de l’avenir pour ces Chinois courageux et déterminés, qualifiés ou pas.
L’Empire du Milieu avance inexorablement au Cambodge. Gare à celui qui n’en prendrait pas conscience. Certes, la culture française n’est pas morte dans ce pays si particulier et si attachant mais elle est aujourd’hui submergée (comme une vague à Sihanoukville charriant des déchets).
Une vague ou un tsunami ?
La réponse dans les deux ans qui viennent…
(Deux ans plus tard 2020, oui le tsunami en plus du Covid 19)
JMDF