La fin du plein emploi découvert par hasard par des Thaïlandais !

Extraits d’un article d’Arnaud DUBUS à Bangkok

Début 2017, CNN a désigné la capitale thaïlandaise ville avec la meilleure « street-food » de la planète (devant Tokyo et Honolulu !). Dans le même temps, le gouvernement de la Junte militaire au pouvoir a décidé d’interdire la liberté de vente de nourriture sur les trottoirs de tout le Royaume par souci de fluidité et d’hygiène. La colère gronde à tous les coins de rues, ceux où d’un côté il y a un boulevard où on n’a pas le droit de penser et de l’autre côté une ruelle où pas le droit de parler.
En effet, il n’y a actuellement quasiment pas de chômage en Thaïlande car les plus démunis peuvent toujours vendre des crêpes, des marrons chauds, des boissons fraîches, des soupes « maison », des fruits ou … des fripes. Ceci est tellement ancré dans les habitudes depuis cinq décennies que la restauration gastronomique thaïe est en quelque sorte descendue dans les rues au plus grand plaisir des locaux comme des touristes.
Aller visiter ce pays sans manger au moins une fois en-dehors des restaurants, c’est passer à côté du mode de vie des indigènes ! Beaucoup de touristes ne mettent d’ailleurs jamais les pieds dans un restaurant.

 » C’est la fin d’après-midi à Yaowaraj, le quartier chinois de Bangkok, et la vente de nourriture sur les trottoirs sous des enseignes éclatantes de néons et d’idéogrammes bat son plein. Des centaines de tables en fer blanc sont alignées et une noria continue de Thaïlandais et de touristes vient déguster poissons grillés et crabes au curry sur des tabourets en plastique, frôlée par les véhicules qui filent sur la chaussée. Si l’on veut voir ce qu’est vraiment la street-food thaïlandaise, il faut venir dans ce quartier, le plus vivant de la mégapole thaïlandaise, avec son bric-à-brac de compartiments chinois et ses vendeurs ambulants « .

«Mode de vie»

Pas étonnant dès lors que beaucoup de clients de la Chinatown thaïlandaise prennent des selfies devant les carrioles des vendeurs de soupes aux nouilles et de mangues au riz gluant. Mais peut-être aussi que certains d’entre eux souhaitent immortaliser ce lieu haut en couleurs dont les jours sont comptés. L’administration de Bangkok a en effet annoncé, mi-avril, que l’ensemble des restaurants de rue de la capitale devront disparaître dans les mois à venir, «y compris dans les quartiers touristiques comme Yaowaraj et Khao San Road».

Effectivement, l’administration métropolitaine de Bangkok a de fait justifié son annonce par la volonté de libérer les trottoirs pour faciliter la circulation des piétons, mais aussi par souci d’hygiène. Aux yeux du gouvernement, cet assemblage d’échoppes ambulantes, grouillantes d’activités, fait désordre…

Nettoyage

La campagne contre la cuisine de rue a débuté en mars, lorsque Bangkok a interdit les restaurants ambulants dans plusieurs quartiers de la rue Sukhumvit, laquelle s’étend sur des dizaines de kilomètres dans la partie est de la ville. En quelques semaines, le quartier de Thonglor, paradis de la cuisine ambulante durant des décennies, a été transfiguré. Calot sur la tête, fumant une cigarette sur un banc à l’embouchure d’une ruelle, Nikom Wiwat ne cache pas son dépit : «Cela fait quarante ans que je vends ici du poulet cuit à la mode de Hainan et le gouverneur de Bangkok nous demande d’arrêter du jour au lendemain. Notre ruelle est réputée dans toute la Thaïlande, mais les clients vont devoir aller se nourrir ailleurs.» Nikom est, pour l’instant, parvenu à conserver son échoppe sur le trottoir, mais l’artère principale, à quelques mètres de là, a été purgée de tous ses restaurants ambulants. Début mars, ce quartier était envahi d’échoppes proposant aux passants l’étonnante diversité de la nourriture thaïlandaise, des salades épicées du Nord-Est aux soupes au curry de poisson en passant par la vaste gamme des entremets et des desserts aux fruits.

La volonté des fonctionnaires qui administrent la capitale d’aseptiser la ville ne se limite pas à la nourriture et plusieurs marchés de vêtements – comme celui de Bo Bae non loin de la gare ferroviaire centrale – ont été fermés peu après le coup d’Etat de mai 2014. Les généraux qui se sont emparés du pouvoir semblent ne jurer que par l’ordre, la propreté et la sécurité. Et Aswin Kwanmuang, le général de police que les militaires ont nommé gouverneur de la capitale – évinçant le gouverneur civil élu – suit la cadence. A la fin du mois dernier, une communauté qui vivait depuis plusieurs générations à l’intérieur des murailles d’un antique fortin de la ville a été expulsée manu militari et ses maisons détruites. Un célèbre marché aux fleurs sur le bord du fleuve Chao Phraya a aussi dû plier bagages.

Supérettes

Les modes de vie ont toutefois progressivement évolué dans la capitale ces quinze dernières années. Les épiceries, aussi charmantes que désordonnées tenues par les «Chinois du coin», ont laissé place à des supérettes franchisées par de grandes marques internationales. Des complexes commerciaux ont fleuri par dizaines avec leurs food courts, qui proposent une version « indoor » et plus aseptisée de la nourriture de rue.

Mais justement certains voient dans la campagne gouvernementale contre la street-food une certaine injustice. L’interdiction des restaurants ambulants augmentera les profits des quelques grandes familles qui contrôlent les complexes commerciaux de Bangkok, où se trouvent les food courts, et fera perdre leurs emplois à des milliers de Thaïlandais « .

Il est certain que les petites gens seront les grands perdants de cette politique et que tous, ces dames, ces vieux, ces jeunes, si charmants, qui font de la cuisine avec amour le long des trottoirs et répondent aux besoins de ceux qui ne cuisinent plus chez eux… vont venir grossir les statistiques du chômage. Le pays qui était le mieux placé dans le monde pour ce chiffre du plein emploi devrait donc devenir peu à peu l’un des moins bons de la région.

Comment est-ce possible ?

Quand le monde entier sera t-il dirigé par le bon sens ?

Vivement l’an prochain ici que le retour à des élections législatives thaïlandaises disparues (espérons-les !) remettent enfin une grande quantité de civils en accord avec la société tout entière ! Bangkok, déjà échaudée par le réchauffement climatique, réclame un vrai ballon d’oxygène.

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