Khmer New Year !

C’est le Nouvel an Khmer !

Oui, le 14 avril de chaque année, un ou deux jours avant ou après selon la position de la Lune (?), le Cambodge fête son traditionnel nouvel an…

C’est également le Nouvel An en Thaïlande – Quelle belle tradition de l’eau qui nettoie la tête et le corps comme pour laver les impuretés de l’année écoulée : cette année 2558.

Également au Myanmar et au Népal où c’est l’année calendaire 2072 ! Et même en Inde où les Tamouls fêtent l’an 5116 ! Nous sommes petits avec notre « petit jésus » d’agenda ou d’âge ingrat ! Il est vrai que les barbus semblent alors des jeunots calend’guerre avec un plus jeune prophète.

Cela semble un peu bizarre en Asie pour un Occidental de recommencer un Nouvel An mais quand on vit en Extrême-Orient on s’habitue à cela et on fête l’année trois fois en trois mois et demi. Un plaisir. Ce plaisir est partagé par tous les jeunes Cambodgiens. En fait, pas tous…

Je me souviens de mon employé de maison, Guitar. Il fêtait sa deuxième année de gardiennage de ma maison avec son compère Map et tout les deux me demandaient une semaine de congé pour retourner dans leur famille, dans leur « homeland » ! Je ne pouvais accorder que trois jours à l’un, les 12, 13, 14 avril et à l’autre les 14, 15, 16, voire 17. Et de rester moi-même bloqué sans gardien le jour de l’an, afin de garder la maison et de nourrir les deux chiens et le perroquet. Voire d’arroser le jardin et les plantes en cette saison chaude où l’on frôle les quarante degrés à l’ombre.

Map prit ses trois jours mais Guitar partit déjà le 13 sans autorisation (en cassant une corde ?) après m’avoir supplié de lui accorder une semaine, ce que je refusais en essayant de lui faire prendre conscience de ses responsabilités professionnelles ! Je ne l’ai pas revu. Silence of the guitar. Il a préféré perdre son travail et moi perdre un employé que j’aimais bien et auquel j’essayais d’expliquer les choses en mots simples dans sa langue.

Chaque année, j’y repense avec une petite douleur et un regret. Mes gardiens, payés, nourris, logés avaient une paix royale. Sans doute pas une paye royale mais un salaire mensuel et l’accès aux cours d’anglais. Seules les cigarettes et la saoulerie leur étaient interdites par souci d’éduquer un tant soit peu à … la santé. Le jardin, la rivière, les fleurs, les fruits, tout pour plaire, me semblait-il.

Guitar me manque. Je lui avais proposé d’augmenter son salaire pour qu’il revienne à l’heure dite. Rien n’y fit. Aujourd’hui, lorsqu’il ne trouve pas un job précaire de cimentier-maçon, il va vendre les légumes de sa mère au marché situé à cinq kilomètres de la petite ferme sur pilotis de son village de Srolao à côté de Kompong Cham…

Il vit tranquille dans son village aujourd’hui. A la Khmère. Il est heureux. Marié. Sans doute va t-il faire la fête et boire quantité de boites de bière pendant au moins les trois ou quatre prochains jours… Puis faire un enfant !

Combien d’autres jeunes gens, ces jours-ci, vont encore perdre leurs jobs par défection pour les fêtes de folie ? Les serveurs de bars et de restaurants en particulier. Tous les patrons le savent et rares sont les hôteliers qui n’affichent pas un emploi vacant après les fêtes… Et tant de gardiens de maisons et de jardiniers qui, depuis des mois, pensent à ce nouvel an des retrouvailles en famille et entre amis d’enfance. Rien ne peut y faire. Ces fêtes, autrefois interdites à leurs parents par les Khmers Rouges (depuis le nouvel an de 1975 jusqu’en 1979), sont devenues incontournables dans la mentalité de ce peuple renaissant. On n’y peut rien. Contrepartie à la survie ?

C’est vrai que pour ces jeunes sans formation la plupart du temps, venus à la ville pour éviter d’avoir faim après la saison des rizières, il faut encore du temps pour choisir le chemin que le pays tente de leur montrer aujourd’hui, celui de la formation, du travail et d’un développement aujourd’hui visible à l’œil nu mais qu’ils ne comprennent pas. Trop de jeunes se sentent en effet encore exclus (de la chance !?) et acceptent des jobs parce qu’ils ne trouvent pas de … contrat de travail !?. Et puis, les Cambodgiens vivent au quotidien. Dans leurs gènes, ils se sont habitués à ne pas avoir d’avenir. Alors, profitons du présent. Et le Nouvel An est l’occasion rare de penser qu’on va changer d’année et que bientôt … on va changer de saison.

Autrefois on ne connaissait pas les dates d’anniversaire mais on savait à quel nouvel an on était né, avant ou après cette année là ! ça continue… L’avenir ici, c’est l’année qui vient !

M’enfin, ces jeunes ne sont pas les meneurs !!! N’essayez pas d’aller dans une administration cette semaine ou de joindre un VIP. Tout s’arrête. Sauf les pompes à bières… Le mauvais exemple est toujours suivi.

N.B. : En fait j’ai mis vingt ans à comprendre que faute de registre d’Etat Civil, les Khmers n’avaient pas de date de naissance et que le nouvel an c’était … leur anniversaire !

(MESSAGE dédié à P.Prim et ce jeune de mon village, 23 ans, ivre, qui vient de se tuer à moto le jour de l’An, deux enfants dont un bébé de 23 jours !).

2 réflexions sur “Khmer New Year !

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