Les instances décisionnaires en France sont les suivantes :
– l’Etat
– 22 régions
– 101 départements
– 36.763 communes
– 7.127 Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) dont 12 voire 14 métropoles, 228 communautés d’agglomérations, 2223 communautés de communes, 14.305 syndicats intercommunaux, et 371 pays en milieu rural.
Encore, il ne s’agit là que des niveaux courants de décision. On peut y ajouter un nombre relativement important de syndicats mixtes, de sociétés d’économie mixte, d’organismes divers qui eux aussi prennent part à la vie collective.
Ainsi le fonctionnement de nos institutions ne permet plus actuellement au citoyen de distinguer les différentes attributions de chaque échelon territorial, sinon par défaut. L’enchevêtrement de compétences et la limitation mécanique des capacités ou du pouvoir de décision de chacun des acteurs publics contribuent à ce que la politique soit de moins en moins considérée comme la modalité centrale de construction de l’intérêt général et de plus en plus comme une forme particulière de défense des intérêts catégoriels, sectoriels ou régionaux.
Si l’on retient que, outre l’Etat tout puissant et multi compétent, les régions, les départements et les communes ont compétence pour intervenir dans tous les domaines et ne s’en privent pas, en vertu de la fameuse « clause générale de compétence », on ne sait plus très bien qui est qui, et qui peut ou doit faire quoi ?
La question qui se pose est bien d’abord de répondre au besoin impérieux de clarté et ensuite de s’assurer que tout changement va/irait avec certitude améliorer l’efficacité et répondre au souci tout aussi impérieux de faire des économies !
Comme depuis 40 ans, chaque gouvernement annonce à son tour le regroupement des régions, ajoutant la suppression de la majorité des départements et l’absorption relative des communes par les intercommunalités. Cette réforme préconisée de longue date par de multiples rapports et, au cours des vingt dernières années, par la Courdes Comptes et la Commission européenne, pourrait être saluée d’un bravo : enfin un gouvernement qui ose s’atteler à ce problème complexe! Mais …
Il peut paraître tentant de s’attaquer d’emblée aux régions parce qu’elles sont de création relativement récente, et encore moyennement intégrées dans le paysage administratif français. Il semble que le gouvernement soit allé vers le plus facile : diminuer le nombre de régions actuelles sans avoir, au préalable, posé la question de la puissance financière et juridique des futures régions… élargies.
Délimiter les régions sur de simples critères de population ou de superficie est largement insuffisant. En l’état actuel plusieurs de nos 22 régions ont une population et une superficie supérieure à la moyenne européenne, mais elles ne détiennent pas les possibilités législatives et réglementaires que possèdent les länder allemands, par exemple. N’oublions pas que, si un petit pays et a fortiori une petite région peuvent rester riches et prospères -et que l’inverse est vrai aussi-, cela peut être aux dépends de ses voisins.
Quant aux économies … Si à terme cela peut s’avérer positif, il est à craindre qu’elles ne soient pas aussi importantes que prévues. En effet quid des bâtiments, parfois déjà disproportionnés voir « luxueux » existant dans chaque région actuelle ? Seront-ils automatiquement intégrés dans la nouvelle structure ou feront-ils l’objet d’une restructuration à grand frais ? Quid également des personnels en fonction ? Seront- ils tous intégrés, et alors pas d’économies en vue ? Feront-ils l’objet de reclassement dans d’autres structures ou seront-ils pour certains, simplement licenciés ? Sans compter sur le désir des élus de compléter les équipements de la nouvelle structure quel que soit le lieu du nouveau siège. Et finalement qui aurait un pouvoir de contrôle sur les objectifs ?
…
Et les communes de moins de 200 habitants ? Beaucoup d’entre-elles sont devenues de simples lieux de vie où plus aucun service public n’est disponible : plus d’école, plus de commerce, plus de prêtre et surtout plus de mariage ni de naissance, ce qui n’empêche pas qu’il y fait bon vivre….Alors pourquoi ne pas aller au bout de la logique soit en transférant la totalité des attributions des communes aux EPCI dont elles font partie soit, à l’instar de nos voisins, obliger les communes à fusionner de manière à former des entités suffisamment importantes pour y maintenir les services publics de base: écoles, services financiers … etc. Dans ce cas les communes devraient pratiquement toutes être supprimées sauf celles dont l’objet dépasse les possibilités de la structure de base.
Une telle réforme ne peut être envisagée que si l’Etat montre l’exemple. Actuellement cela ne paraît pas être le cas puisque le projet se contenterait de quelques simplifications administratives, ce qui est toujours bon à prendre, et du renforcement des pouvoirs des préfets.
Or le moment ne serait-il pas venu de promouvoir une véritable réforme de l’Etat ? La décentralisation s’est accompagnée depuis 30 ans d’un renforcement de l’Etat par le jeu de la déconcentration publique. Il serait utile de supprimer les doublons, qui demeurent dans les collectivités locales, dépourvus de moyens propres et qui continuent à s’immiscer dans les politiques locales comme celle de l’innovation, et à les contrôler, comme celle de la DRAC dans le domaine culturel. Cela apporterait une simplification pour les exécutifs locaux et permettrait des économies de fonctionnement notables.
Ne pourrait-on envisager de supprimer nombre d’organismes plus ou moins actifs dont l’utilité et surtout l’efficacité restent à démontrer : le Conseil économique et environnemental est l’un d’eux. Le nombre de ses membres pourrait être divisé par quatre et ses fonds par 10 sans parler de leurs pendants régionaux qui pourraient disparaître.
JM et C. Leclerc