Les observateurs s’attardent sur les difficultés du Cambodge en matière de développement économique durable, au vu des inégalités, des archaïsmes, de la corruption endémique, de la chienlit des villes et, … non des moindres maux, … au vu de la misère récurrente des campagnes depuis cinquante ans.
Voire au su de la bronchite chronique que connaissent le fonctionnement démocratique et la justice de ce pays, éléments qui peuvent manifestement influer sur le développement et les acteurs économiques.
MAIS, pendant ce temps, les affaires sont en plein « boom ». Il y a vingt ans, le boom de la natalité et de l’aide financière internationale ; puis les investissements ont suivi et marqué le changement de siècle. Aujourd’hui, les efforts commencent à porter leur fruits dans tous les domaines et une génération nouvelle de Cambodgiens arrive aux manettes dans le même temps.
Auparavant, on parlait de perspectives : elles sont là. Nous y sommes ! La pesanteur tant de la gouvernance que de divers secteurs économiques traditionnels a fait long feu. Tout bouge en ce moment sous le choc d’une croissance ferme et régulière et du commerce de biens et de services lié au tourisme. Publics et privés semblent se donner la main pour des créations de richesses. Les riches achètent, les banques se multiplient. Ces richesses rapides seront-elles réparties sur l’ensemble de la population, rien n’est acquis. Cependant, le développement est perceptible à l’œil nu.
Ces archaïsmes sont toujours là (tangibles et parfois insupportables) mais ils reculent d’une certaine façon puisque les autres éléments de progrès avancent ? Ils prennent le vent du changement de plein fouet ! La plus belle illustration vient des campagnes. L’agriculture cambodgienne n’avait guère bougé dans la première décennie de retour à la paix. Rien. Trop souvent victimes des aléas du climat, elle dépendait souvent de réseaux d’irrigation vieillots, entre sécheresses et inondations incontrôlées, et volonté de ne rien changer de ce qu’on sait faire et qu’on a toujours fait « comme ça » ! Cultures traditionnelles, usages pesants, équipements rudimentaires, élevage nourricier, familles nombreuses faisant face à la misère, voire à l’angoisse de la faim plusieurs mois par an, entre riz nourricier et semences à conserver.
Oui, ça y est, le secteur agricole bouge sensiblement. Certes, un certain exode rural a commencé (80% au lieu de 85 %, de la population ?) du fait des progrès et de l’amélioration de l’accès à l’Éducation et aux emplois de services urbains. Les jeunes fuient la misère et partent « en ville » ; mais les paysans commencent à se tourner vers une certaine modernité. Le Cambodgien vit dans le présent… La génération post-KR se rassemble dans des associations villageoises pour acheter le matériel que les agriculteurs ne pourraient pas envisager d’acquérir seuls. Le collectivisme rebutent encore les plus conservateurs sortis vivants de la guerre. Cependant les autorités provinciales et surtout les ONG poussent dans le même sens, celui d’un développement favorable à l’accroissement de la production locale.
Tout bouge depuis 2014. Les initiatives des ONG sérieuses et puissantes et surtout de l’Agence française de Développement (afd), sont soutenues par des projets de financements dans tous les secteurs agricoles, notamment avec un fort développement du micro-crédit un peu moins « sauvage » qu’auparavant. La santé maternelle rurale, l’amélioration des conditions de vie, l’adduction d’eau, la préservation de la forêt, la pêche, le planting d’hévéas (plantations familiales) la scolarisation primaire, les soins vétérinaires, les précautions écologiques et de développement durable, tout commence à avancer et à s’organiser.
Les efforts portent leurs fruits comme si soudain les « plantations » étaient arrivées à maturité. Avec le décalage du temps, les arbres plantés donnent des fruits. Les marchés s’organisent (collectes de produits). La mécanisation fait discrètement son apparition dans les rizières. L’avenir des buffles vacille à moyen terme. Les intrants font moins peur. La modernité avance par touches. La peur saisonnière recule. Le riz qui manquait il y a vingt ans, maintenant suffisant, commence même à s’exporter allègrement. Merci aux agronomes. L’élevage se porte mieux et progresse, de même, en quantité et en qualité. L’agro-industrie est née. Il y a, oserai-je dire, un sensible « tremblement des terres » !
Les secteurs productifs industriels sont également en ébullition. L’industrie textile continue à poser des problèmes de gestion humaine, de conditions de fabrication et de niveau de rémunération mais ne cesse de croître, de créer des emplois et d’améliorer le niveau de ses exportations. La production de vêtements pour les grandes marques occidentales représente un espoir dès lors que des pressions pourraient intervenir pour l’amélioration des conditions de travail actuellement inacceptables pour les salariés, principalement de jeunes femmes. On croyait provisoire cette industrie de main d’œuvre, elle semble s’être installée pour plus longtemps. Depuis 10 ans, le succès de l’adhésion du Cambodge à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est confirmé.
Les travaux publics sont le second secteur industriel en plein boom. Facteur d’importations, il est néanmoins créateur d’emplois dont la qualification s’améliore peu à peu et il est surtout synonyme de dynamisme et reflet de la croissance économiques.
Un nouveau pont sur le Mékong va s’ouvrir en fin d’année à l’Est où un axe routier express vers le Vietnam sera ensuite financé par le JICA, la Coopération japonaise. L’axe routier majeur du pays, à quatre voies Phnom Penh – Siem Reap, lui qui est en grands travaux herculéens, asphyxiants les villageois, sera peut-être achevé en fin d’année, plus sûrement en 2016. Reste la voie ferrée qui a du mal à se remettre en marche mais se fera avec la coopération régionale et internationale.
Le secteur du Bâtiment, lui, marche à plein régime. Même à Siem Reap déjà bien pourvu en structures hôtelières, de nouveaux établissements sortent de terre. Le prix du foncier explose comme à Phnom Penh il y une décennie. Une compagnie aérienne low cost chinoise parvient à joindre les deux villes touristiques dans de bonnes conditions.
Durant cette décennie, des tours sont sorties de terre dans la Capitale, comme de hauts champignons, construites si vite que la Municipalité fut incapable de surveiller le nombre d’étages accordés et construits. Cela fait, elle doit maintenant demander d’en « raboter » au moins trois dans le voisinage du Palais Royal. Sans grand succès immédiats d’ailleurs. Hôtels, condominiums, hôpitaux… D’autres projets immobiliers résidentiels d’envergure encerclent la Capitale alors que … le vieux building historique se fissure, comme un symbole, sur la route de l’Ile au Diamant (Koh Pich) qui fait vibrer toute une jeune génération motorisée et se qualifie de « Ville nouvelle » …
L’Énergie reste le secteur en devenir, vraiment prometteur. L’importation d’électricité résous certains manques récurrents depuis vingt ans mais doit faire face à une croissance régulière de la population et des activités. On importe des kilowatts. Le projet cambodgien d’un barrage hydraulique est retardé faute de consensus. La Commission du Mékong, elle, pendant ce temps, s’inquiète des barrages laotiens …
Le développement des services, l’apparition de centres commerciaux, l’éclairage urbain, autant de besoins croissants auxquels doivent faire face les autorités. Dans ce secteur énergétique le projet de construction d’une raffinerie (il y en avait une avant-guerre !) près de Sihanoukville s’ajoute aux perspectives pétrolières et gazières du pays. Le transport fluvial se développe, les ports aussi, même si certaines viles de province semblent encore à l’écart du développement.
Enfin, l’industrie touristique continue de croître régulièrement. Les prévisions les plus optimistes sont chaque année dépassées.
Les visiteurs sont en nombre croissant. On croyait en un essoufflement de cette progression du fait de la baisse du pouvoir d’achat des pays occidentaux. En fait, si les Européens sont un peu moins nombreux et dépensent moins (les résidents français s’en plaignent), les Chinois et les Vietnamiens ont pris le relais en nombre. Les touristes asiatiques, le plus souvent en voyage de groupes, envahissent les temples quotidiennement. Des restaurants spécialement installés pour eux les accueillent avec des parking à autocars. Les Russes, très présents en Thaïlande, ne vont pas tarder à rejoindre cet élan, on parle déjà d’une « mafia » en bord de mer. Les Japonais, eux, les principaux donateurs d’aide financière au Cambodge, sont là pour longtemps et les Cambodgiens accèdent dans de nouveaux restaurants à leur cuisine avec joie et précipitation, alors que les Chinois, présents partout et toujours groupés et bruyants, tardent à faire l’unanimité…
Bref, en ne jetant qu’un œil conciliant sur un « développement à la chinoise » que les Cambodgiens voudraient bien maîtriser » à la Khmère » … , il y a un optimisme encouragé depuis un an par la « collaboration » pacifique de l’opposition politique aux côtés d’un pouvoir qui demeure fort et intransigeant.
L’année 2015 étant une année éloignée des élections législatives quinquennales (2013, 2018), il est permis de penser que les clignotants sont au vert, avec notamment la baisse des prix du pétrole, pour une réelle croissance économique performante ( … 8% ou plus ?), sans trop de troubles sociaux et avec une croissance mieux répartie (le secteur des services aussi est en plein boom, les écoles de formation sont pleines de jeunes avides d’apprendre et qui cherchent partout de l’argent pour … payer les cours et s’acheter une moto et un portable !).
2016, ouverture du marché ASEAN, dans l’incertitude, pourrait apparaître plus délicate et surtout l’année 2017 pourrait marquer un sensible ralentissement, … de la confiance d’une population attentive au changement. Personne ne peut affirmer que l’avenir est incertain, ou certain, mais chacun peut compter sur un présent assez prometteur.
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Passionnant, est ce qu’il faut « investir » là bas? Je n’en ai pas les moyens mais il se pourrait que ce soit une destination pour un prochain voyage…. Surtout si tu y es encore!Bisesbernard
Date: Mon, 9 Feb 2015 20:14:12 +0000 To: bernard.ziegler@hotmail.fr
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Non, c’est trop tard. Pour les Européens, il fallait investir il y a 10 ou 20 ans. Maintenant la concurrence c’est avec les Chinois et ils veulent investir dans une zone aséane pour mieux la … contrôler !?
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Bravo pour cette belle synthèse de la situation économique du Cambodge.
Jean de Froissart semble être au cœur de l’action pour avoir une vue aussi pénétrante de ce pays.
Bernard Michel de la Berchère
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